La Tour de Londres
Entretien avec Scotland Yard:
Lorsque les PJs arrivent, ils repèrent tout de suite, sur l’esplanade devant la Tour, quatre fiacres aux armes de la Metropolitan Police, ainsi qu’une dizaine de Bobbies en faction. Dirac leur demande de l’annoncer auprès de l’inspecteur Finnegan, « au sujet de notre entrevue ce de matin ». Pendant que l’un des policiers va voir, les autres ne semblent pas avoir plus d’informations que cette histoire de tentative de vol des bijoux de la Couronne. Enfin, un quart d’heure plus tard, Finnegan rencontre les trois mages un peu plus loin, à la première herse, encadré de deux Yeomen et six Bobbies. Abigail et Veig se présentent sous de faux noms: « Lady Anna Frost » et « Dirk Bosca de la Maison Fiona ». De façon plutôt aimable, vu qu’il fait froid, l’inspecteur les convie à venir discuter dans le premier poste de garde — il ne peut toutefois pas leur permettre d’aller plus loin — et en fait d’ailleurs sortir les deux gardes…
Peut-être de façon inattendue pour un membre supposé de la Technocratie, Finnegan est assez d’accord avec Dirac: la situation est grave et l’heure n’est pas aux querelles. De plus, l’inspecteur a en fait déjà entendu parler de Pierre Dirac de l’Ordre d’Hermès, réputation qui ici lui donne un peu plus de crédibilité qu’un simple quidam. Les trois mages partagent avec lui certaines de leurs informations et de leurs suppositions, et ne le blâment pas, ni sa hiérarchie, d’avoir pour le moment couvert l’affaire dans les journaux afin de protéger les Dormeurs.
En retour, l’inspecteur les éclaire un peu sur les événements dans la nuit: il s’est produit un phénomène de résonnance qui a mis à mal, et même brièvement percé, le Goulet. Le plus étrange est que la Quintessence n’a pas en soi été volée: elle a été aspirée, puis retournée sur le Node, en un contre-coup qui s’est dispersé tout le long du réseau et a provoqué son déséquilibre. Quant aux six “voleurs”, ils sont encore entre les mains de Carlisle et il n’a pas pu les interroger lui-même… enfin, les deux qui restent: les autres sont morts. Ils n’avaient pas de tatouages, mais étaient par contre tous armés, et il y avait un jeune garçon dans ce groupe curieusement homogène. Finnegan se doute aussi qu’ils étaient tous doués, disons, d’un certain potentiel.
Leurs buts à tous les quatre, au final, sont de protection. Dirac et Finnegan pensent que ce n’est pas fini, là où Carlisle est persuadé que la capture des intrus signifie la fin des ennuis, et cherchent à voir s’ils peuvent s’aider mutuellement. Mais il leur faudrait faire jouer de contacts sacrément doués pour passer outre l’influence de Carlisle et de son supérieur, le Général Lamarr, tous deus de la Fraternité des Mécaniciences.
Réalité variable:
Bien décidé à essayer de parler à Carlisle, Dirac quitte le poste de garde, et les autres lui emboîtent le pas. Cependant, avant qu’ils aient pu aller plus loin, un étrange son qui leur est inconnu1Celui d’une sirène d’alerte déchire l’air. Des flocons se mettent à tomber du ciel devenu soudain plus gris, et levant les yeux, les mages distinguent dans les airs une forme oblongue, floue mais large. Dirac ne parvient pas à bien percevoir l’existence spatiale de cette masse, qui semble être là et pas là tout à la fois, et Abigail sent que la Tapisserie autour de la zone est en train de s’effilocher lentement sur les bords. Des voix lointaines, étouffées, s’élèvent tout autour d’eux — et une centaine de présences, là haut, dans les airs? Des mots isolés: « alerte », « dévorer », « échelle », « annihilation », « thanatique ». Un autre crachotis, brouillé, un acronyme: « HMS » —Her Majesty’s Ship? Au milieu de tout ça, la solidité du Goulet est en plein chaos, variant rapidement et de façon totalement aléatoire. Une vision se superpose à celle de la Tour de Londres: la forteresse est bien là, mais différente, renforcée d’arcs-boutants, et ses douves complètement vides. Et il n’y a pas que les PJs à voir cela: Finnegan, lui aussi, est des plus troublés.
Dirac, imperturbable malgré tout cela, ne se démonte pas et ordonne aux Yeomen Warders de faction de le mener à Carslisle. Peine perdue: malgré ses tentatives d’intimidation, ils refusent d’obéir à un civil. Qu’à cela ne tienne, Dirac leur enverra son avocat… En attendant, Dirac joue un autre tour bien à lui et parvient à glâner quelques autres échos en provenance de la Tour: des bribes de conversation, un échange entre Carlisle et un certain ingénieur Howard, ce dernier faisant un rapport sur un objet qu’il vient de tester et qui pourrait bien être une arme, ainsi que sur une sorte de bracelet de technologie et d’usage encore inconnus.
Le phénomène perd en intensité, mais aucun des mages n’est vraiment tranquille, et nos trois Traditionnalistes prennent tout de même congé de Finnegan, non sans lui laisser la carte du Bookworm. Direction Whitehall et le Bureau des Armées, pour tenter de parler cette fois au Général Lamarr2Comment ça, il y en a qui ne doutent de rien?… Quoi qu’il en soit, les PJs sont encore plus confus qu’auparavant. Qu’était donc cette curieuse vision observée à la Tour? Une conjonction spirituelle, un événement à venir, lié ou pas à ce qui s’est passé dans la nuit, ou encore l’écho d’une catastrophe similaire survenue ailleurs? Etait-ce vraiment un navire volant que Veig et Dirac ont vu, et si oui, comment se fait-il que le Paradoxe ne l’ait pas détruit? Abigail, elle, est d’autant plus troublée qu’elle ressent brièvement une présence vitale… mais sous le sol, qui les suit pendant bien trois ou quatre cents mètres avant de soudain se volatiliser.
Arrivés sur Whitehall une bonne demie heure plus tard, les trois mages se présentent à la grille barrant l’entrée du Bureau des Armées. En tant que civils, ils ne peuvent tout de suite entrer, mais l’un des gardes de faction semble reconnaître Dirac de nom et de réputation, et cela finit mine de rien par leur ouvrir la porte après un certain nombre de délibérations. Dedans, un secrétaire en uniforme de sous-officier de la British Army les fait patienter dans un petit bureau de réception à l’intérieur plutôt simple… et leur propose de prendre rendez-vous avec le Général, qui n’est pas présent aujourd’hui, et n’a pas de créneau disponible avant 14h le lendemain. Dirac n’est pas satisfait, et persuade le secrétaire de remettre au moins une lettre à Lamarr le jour même, lettre qu’il rédige directement sur place: elle contient tout simplement son offre de partager des renseignements concernant les événements du 16 novembre, son désaccord avec les méthodes de Carlisle, et le risque de danger pour tous les habitants de Londres.
Ce que savait l’avocat:
Les PJs rentrés et la nuit tout juste tombée, Dirac passe, seul, au cabinet de son avocat à Lincoln’s Inn Fields. Bien qu’il s’agisse de trois associés — Adrian Saint-Clair, Aidan Stockwell et Andrew Shelley — c’est Stockwell en particulier avec qui Dirac traite, et qui le reçoit ce soir aussi dans son bureau encombré de piles de dossiers qui ne semblent jamais classés, mais dans lesquels lui s’y retrouve toujours. Dirac n’y va pas par quatre chemins et lui demande s’il sait ce qu’il s’est passé à la Tour de Londres la nuit dernière; Aidan acquiesce, et comprend aussi, à ce que lui dit son client, que c’est Carlisle qui est aux commandes.
Y aurait-il un moyen officiel d’entrer à la Tour? Cela prendrait plusieurs jours. Et officieusement? Les deux hommes se sourient. Cela dit, les mages pour le moment n’ont pas des masses de moyens. Chose curieuse tout de même, Aidan enjoint également Dirac à se méfier des « lignes sur le sol » qui étaient là la nuit passée, en direction de la Tour. Là, Dirac ne voit pas trop de quoi il parle. Quand il mentionne ses propres trouvailles, y compris la marque de Skeith et le Vieux Sang du Nord, la température dans la pièce semble soudain baisser — est-ce une illusion, ou bien les doigts d’Aidan tremblent-ils légèrement lorsqu’il prend la feuille couverte de symboles que lui tend Dirac? De toutes évidence, l’homme sait quelque chose, quelque chose qui l’inquiète: « Votre ami qui pense que c’est le symbole d’un Node… Il a raison. Enfin, je l’espère. Mais fuyez ce symbole. C’est une malédiction. Il n’apporte jamais rien de bon. Espérons que ce ne soit qu’une résonnance et rien de plus. » Il n’en dit pas plus à ce sujet.
Lorsque Dirac parle ensuite d’un homme aux tatouages pictes sur le visage ainsi que des hypothèses qu’il a sur son implication, Aidan fait une drôle de tête et murmure quelque chose en une langue qui pourrait être du gaélique. « Vous avez deux choses ici, » dit-il, « qui n’ont rien à voir l’une avec l’autre. » Dirac le presse un peu, mais Aidan refuse d’en dire plus, prétextant qu’il a tout d’abord quelques vérifications à faire. Il promet en tous cas d’en toucher un mot à Ashford, qui parlera à Lamarr, afin d’obtenir un rendez-vous avec Dirac.
Lorsque l’hermétiste ressort de là, il a le net sentiment d’avoir marché sur une mine…