La Tour de Londres représente un endroit des plus importants dans Shadow Nexus, en ce qu’elle est le lieu d’un Node de grande puissance qui cause bien des ennuis aux mages de la ville, et ce depuis un certain temps déjà.
Histoire
Construite en 1066-1067 sur ordre de Guillaume le Conquérant, la Tour de Londres est devenue au cours des siècles un complexe de plusieurs bâtiments sur la Tamise, centré autour de la Tour Blanche, bâtiments qui servaient de forteresse, d’arsenal, de trésorerie, d’hôtel des monnaies, de prison et de palais, même si le dernier souverain à y avoir de fait résidé était James I.
Un certain nombre de prisonniers des plus hauts échelons de la société y furent exécutés, dont Jane Grey, l’éphémère reine de neuf jours, ou encore Anne Boleyn, deuxième épouse de Henry VIII et mère d’Elizabeth I. Le lieu tout entier jouit donc d’une réputation fort particulière, suite à tous ces événements macabres. En 1830, lors du drainage des douves, on y retrouva d’ailleurs des ossements humains; quant aux deux fils d’Edward IV, Edward V et Richard de Shrewsbury, la rumeur veut que leur oncle Richard de Gloucester les fit enfermer et disparaître à la Tour également, et bien que les corps de deux jeunes garçons aient effectivement fini par être découverts par des ouvriers en 1674, aucun élément ne permet de confirmer ni d’infirmer quelle est la vérité dans tout cela.
A l’époque victorienne, la Tour n’est plus utilisée comme forteresse (l’usage de l’artillerie avait rendu cette fonction obsolète), mais les Joyaux de la Couronne s’y trouvent toujours entreposés depuis 1303. Jusqu’en 1855, l’endroit abrita également le siège du Conseil du Matériel Militaire (Board of Ordnance).
Il est à noter que les douves sont un véritable cloaque: alimentées par la Tamise, elles sont toutefois situées légèrement sous le niveau du fleuve, ce qui fait que l’eau y entre, mais y stagne, apportant déchets et sédiments qui, au fil du temps, ont fini par s’accumuler et par créer un véritable bourbier.
Légendes
Brân le Béni
Une rumeur, ou plus exactement une légende, entoure la Tour de Londres. On raconte que jadis, un géant, roi des Gallois, connu sous le nom de Bendigeidfrân (“Corbeau béni”) ou encore Brân Fendigaidd donna sa soeur Branwen en mariage au roi d’Irlande Matholwch. Traitée fort cruellement par son époux, Branwen appela à l’aide son frère; suite à une trahison, un conflit sanglant éclata. Vainqueurs, les Gallois n’étaient toutefois plus que sept hommes à leur retour d’Irlande; mourant, Brân ordonna alors que sa tête soit coupée et enterrée à Londres. Les sept survivants demeurèrent pendant des décennies au Pays de Galles, à s’entretenir avec la tête de Brân, sans percevoir le passage des ans; lorsqu’ils en prirent conscience, et que Brân se tut, ils se rendirent alors à Londres et enfouirent la tête de leur roi sous la Colline Blanche, où devait plus tard être bâtie la Tour. La légende veut que la tête de Brân soit tournée vers les côtes françaises, afin de prévenir toute invasion, et que tant qu’elle sert là, l’Angleterre sera protégée. On prétend qu’hélas, déclarant que sa propre force serait suffisante, Arthur déterra plus tard la tête du géant, apportant guerre et malheur au royaume d’Angleterre…
Les corbeaux
Dans les milieux magyques de Londres, on raconte que la présence permanente d’au moins six corbeaux, voire plus, à la Tour de Londres est la continuation de cette protection jadis exercée par le roi Brân, et même si nul n’est tout à fait certain de la manière dont elle s’exerce, la croyance est demeurée forte. Sous le règne de Charles II, l’astronome John Flamsteed se plaignit de ce que la présence des corbeaux gênait ses observations (car la Tour faisait alors également office d’observatoire royal); toutefois, le roi, à cause de cette légende, renonça à chasser les oiseaux, ne voulant prendre aucun risque après la tragédie des guerres civiles, et préféra déplacer l’observatoire lui-même jusqu’à Greenwich. On sait toutefois que les ancêtres de ces corbeaux ont été amenés à la tour par les Comtes de Dunraven, dont on raconte qu’ils étaient justement associés au dieu-corbeau Brân.
Histoires de revenants
Comme on pouvait s’y attendre au vu de son histoire sanglante et mouvementée, la Tour de Londres a aussi la réputation d’être le lieu le plus hanté d’Angleterre.
- On cite notamment le nom d’Anne Boleyn, décapitée en 1536 et enterrée à la hâte sous la chapelle de Saint-Peter-ad-Vincula; son fantôme se promènerait aux alentours de la Tour Blanche, sa propre tête sous le bras.
- Il est également fait mention des deux Princes de la Tour, vêtus de robes blanches et se tenant par la main, de Sir Walter Raleigh, de Jane Grey, de Henry VI et de Margaret, comtesse de Salisbury, exécutée en 1541 dans des conditions atroces: le bourreau dut s’y reprendre à trois fois pour la décapiter.
- Les archives rapportent qu’en 1816, une sentinelle de faction devant le bâtiment des Joyaux de la Couronne aperçut un ours qui se dirigeait vers lui; éprouvé par cette vision, l’homme mourut quelques jours plus tard.
- En 1864, un garde retrouvé inconscient fut accusé de négligence et de s’être endormi à son poste. Lors du procès, il affirma avoir en fait aperçu une silhouette blanche sans tête s’avancer vers lui; lorsqu’il la transperça de sa baïonnette, un éclair se propagea le long du canon et le soldat fut assommé sous le choc. Deux autres gardes et un officier confirmèrent son témoignage.
Fait plus curieux encore, si cela était possible, la Tour Blanche elle-même n’a jamais été réputée hantée. Toutes ces apparitions avaient lieu dehors ou dans d’autres bâtiments. On parle d’un sacrifice animal ayant été effectué pour éloigner les mauvais esprits; or, les ossements d’un chat ont justement été retrouvés à l’intérieur de l’un de ses murs…
La Tour et le Node
L’Ordre d’Hermès
Les membres de l’Ordre d’Hermès semblent être ceux qui en savent le plus à ce sujet, de par la longue association qui est la leur avec cet endroit. Bien que fidèles à leur réputation et comportement habituels, ils préfèrent garder le silence quant à leurs pratiques environnées de bon nombre de secrets, la plupart des mages des Traditions un tant soit peu au fait de l’histoire londonienne n’ignorent pas que pendant des siècles, l’Ordre a eu l’oreille des souverains. Les Hermétistes s’intéressaient donc de près à la Tour de Londres, et plus particulièrement à la Tour Blanche, bâtie juste au-dessus de ce qui constituait jusqu’à il y a encore quarante ou cinquante ans le plus important Node de la capitale.
Le déclin de l’Ordre et le Sceau
Les non-Hermétistes (et même les plus jeunes membres de l’Ordre) seraient bien en peine de dire ce qui s’est exactement passé. On raconte toutefois qu’avec l’avènement de la dynastie de Saxe-Cobourg, l’influence dont disposait l’Ordre auprès de la monarchie se mit à décroître au profit de l’Ordre de la Raison. Le couronnement de la jeune reine Victoria en 1837 et les idées progressistes qu’elle-même et son époux le Prince Albert professaient achevèrent de discréditer les Hermétistes à la cour, et ceux-ci se virent forcés de faire retraite et de laisser la place à l’Union Technocratique naissante. Dans une démonstration finale de tactique de la terre brûlée, les Hermétistes jugèrent que mieux valait ne pas en plus laisser le Node entre les mains de leurs adversaires; usant de moyens connus d’eux seuls, ils préparèrent pendant de longs mois, sans doute, un puissant Rituel destiné à sceller ledit Node et empêcher pour de bon son utilisation.
La toile des Nodes
Tous ceux qui disposent d’une connaissance au moins minimale de la toile de forces de la région londonienne sont conscients de ce que ce rituel a laissé des traces notables et indélébiles. La circulation des lignes leys aux abords de la Tour de Londres en a été lourdement perturbée, et ce n’est pas étonnant, puisque c’est un noeud d’importance qui a été violemment tranché. Néanmoins, l’effondrement auquel on aurait pu s’attendre ne s’est jamais produit: un autre Node semble avoir pour ainsi dire pris le relais, maintenant en place tout le réseau. Le plus étonnant et inexpliqué est que ce Node en question n’avait été jusque là qu’un point de connexion mineur, dont la puissance n’aurait jamais pu justifier une telle recrudescence d’activité. L’Ordre d’Hermès a revendiqué ce même Node, et le tient désormais sous sa protection exclusive. Le moins que l’on puisse dire est qu’ils prennent cette tâche très au sérieux, et qu’ils n’ont jamais permis à quiconque, renégats ou Technomanciens, de mettre la main dessus. Once bitten, twice shy…
Et maintenant?
Quarante ans de secret, toutefois, ne peuvent pas durer sans que personne ne tente d’en savoir plus, ou peut-être, pire encore, sans qu’un événement extérieur ne vienne bouleverser les plans soigneusement mis au point. Au cours du mois de novembre 1880, d’étranges phénomènes ont commencé à se produire, centrés sur la Tour Blanche et, plus généralement, sur l’ensemble de la forteresse. Tandis que le climat londonien se faisait de plus en plus tourmenté, voyant des pluies de grêle se combiner à des orages (en plein hiver!), les PJs ont été témoins à trois reprises de ces mêmes phénomènes:
- Le 12 novembre 1880, en début de soirée, Floyd et Charles se sont retrouvés pris, durant quelques minutes, dans l’écho de ce qui semblait être une bataille se déroulant à Hyde Park. Ils ont aperçu des silhouettes en uniforme qui couraient autour d’eux, armées de fusils, et l’une d’entre elles s’est même arrêtée pour tendre la main vers eux, comme si elle aussi les voyait. A priori, il n’y avait aucun lien avec la Tour, si ce n’est que:
- Dans la nuit du 15 au 16 novembre 1880, vers 4h-5h, Liam, Charles et Floyd étaient sur place, dissimulés à quelques deux cents mètres de la forteresse, lorsqu’un orage d’une ampleur sans précédent (et clairement d’origine magyque) a éclaté au-dessus de la Tour. Durant cette manifestation, ils ont pu voir se produire un écho similaire au premier: le même type de silhouettes, s’activant comme en superposition par-dessus le cordon de sécurité de Scotland Yard. Qui plus est, parmi les policiers, certains (de toute évidence, les Eveillés du lot) ont remarqué cela aussi, ou du moins senti que quelque chose d’autre s’ajoutait à l’orage.
- Peu avant minuit, le 20 novembre 1880, en sortant de l’opéra, les PJs ont à nouveau ressenti une vague d’énergie en provenance du district de la Tour de Londres. Dans la Penumbra, Liam a aperçu une grande colonne de lumière, translucide, presque invisible, s’élever vers le ciel pour se perdre dans les nuages. Quant à Floyd et Charles, ils ont vu serpenter sur le sol d’étranges lignes noires intangibles, que quelques personnes et surtout les chevaux autour d’eux évitaient d’instinct. Charles, qui avait accidentellement posé le pied sur une de ces lignes, l’en avait d’ailleurs retiré dans un réflexe, avant même de regarder ce sur quoi il avait marché.
Par ailleurs, convoqués par des représentants de l’Ordre d’Hermès afin de témoigner quant au phénomène du 16 novembre, les PJs ont commencé à mettre le doigt sur les petits secrets de l’Ordre, et ont découvert que quelques quarante ans auparavant, au moment de sceller le Node de la Tour de Londres, ils avaient également accompli un autre Rituel. Celui-ci consistait en l’établissement d’un pacte entre entre l’un des membres de l’Ordre, un jeune Quaesitor du nom de Ciaran Storn, et un Esprit associé à la Terre et à l’Eau répondant au nom de Mélusine. C’est ce pacte qui, dans les faits, a permi à l’Ordre d’accroître la puissance d’un de leurs Nodes mineurs afin de pallier à la perte de la Tour. Hélas, les phénomènes centrés sur la forteresse ont eu pour effet d’agiter les lignes leys qui en partaient, et il est apparu que le Sceau était certainement en train de se briser. Ceci a eu de graves répercussions et sur la terre à laquelle appartient Mélusine, et sur Storn dont le corps ne pouvait soutenir de telles débauches de Quintessence. En conséquence de quoi, si ces troubles ne cessaient pas, le pacte serait brisé, et la colère de l’Esprit se déchaînerait sur la ville — car Mélusine n’est pas qu’un simple rêve: bien au contraire, elle est liée à la toile de force des Nodes londoniens.
L’Ordre Technocratique
La Tour est aux mains de l’Armée, et plus précisément sous la direction du Commandant Carlisle. Carlisle, lui-même un subordonné du Général Arthur Lamarr, est tout comme celui-ci membre de la Fraternité des Mécaniciens (futurs Itération X), et a bien l’intention de trouver tôt ou tard comment reprendre le contrôle du Node. L’intervention opportune (ou pas) de l’Echelle a causé de telles disruptions dans le Canevas qu’il pourrait bien trouver là, à la fois une faille à exploiter, mais aussi une zone d’instabilité si grande qu’elle causerait bien plus de problèmes qu’un simple Node scellé…
Le périmètre tout entier est sous la protection d’une Garde magyque, en partie naturelle, et surtout très particulière: paradoxalement, alors que le Goulet y est très fort — les Mécaniciens ne croient pas vraiment aux choses de l’Umbra — le Linceul, lui, est une véritable passoire (cf. les nombreuses exécutions, et les fantômes liés à la Tour tout au cours de son histoire).