Capture d’entraves

Au Club Dionysos:

A Amberville Hall, lieu qui exsude littéralement la richesse, surtout comparé au manoir Alexander, Floyd s’entretient quelques temps avec Charles de la vente du poignard et de la question qui les concerne tous deux. En effet, à présent que Charles a été mis en présence des deux Spectres, on ne peut écarter le risque que leur attention se porte sur lui également, et il est peut-être tout aussi concerné maintenant par le problème. L’heure avançant, les deux hommes se rendent ensuite sur Pall Mall, au Club Dionysos, un endroit luxueux réputé pour ses excellents repas et ses vins à l’avenant, où Charles a l’habitude de se réfugier lorsque le régime de poulet et de jus de mangue de la maisonnée lui pèse vraiment trop (car les serviteurs, et donc Nasir, ne sont pas admis au Dionysos). Dans le salon privé où ils se sont installés, Floyd expose plus en détail ce que lui a appris Wilhelmina, et espère que le fait de mettre la main sur les objets sera effectivement suffisant pour affecter les deux Spectres. La possibilité de rédemption de Chrysler lui paraît de plus en plus lointaine, ce dont il se désole, mais il n’est plus temps de tergiverser.

Les liens se précisent:

De retour chez Charles, les deux mages constatent que le poignard a bien été livré, et Floyd hoche la tête en le contemplant: il s’agit effectivement de l’arme  de cérémonie que Chrysler utilisait comme point focal pour ses pratiques, la plupart du temps. Peu de temps après, la porte qui s’ouvre pour laisser passage à un serviteur dans le monde des Vifs laisse également entrer, sur un tout autre plan, une Wilhelmina quelque peu courroucée au sujet du personnel ectoplasmique de la maison. Elle semble assez pressée et affairée, ainsi qu’inquiète, mais les recherches effectuées de son côté lui ont effectivement permis de préciser les premières visions qu’elle avait eu des liens d’Entraves. Le deuxième lien est bien un châle, qui se trouvait encore récemment au British Museum; le troisième, lui aussi lié au Spectre femelle, correspond à un petit chien, qui se trouve présentement au 29, Gordon Square à Bloomsbury.

Wilhelmina ne peut hélas rester avec eux pour le moment, et Floyd commence sérieusement à se demander si de graves problèmes n’agiteraient pas en ce moment ce qui doit être l’équivalent d’un “gouvernement” pour les Wraiths de Londres. De plus, lorsqu’il lui parle du châle, Wilhelmina secoue la tête, lui rappelant sa promesse de ne pas poser de questions à ce sujet. Elle lui confirme que si rien ne s’est passé d’ici le lendemain, cela voudra dire qu’elle a échoué, mais elle refuse d’en révéler plus à ce sujet.

La Société de Bienfaisance:

“Un être vivant, mais pas un être humain”… Floyd et Charles commencent à considérer la nécessité de voler(*) le chien à son propriétaire, bien que pour le lui ramener ensuite, car ni l’un ni l’autre n’ont envie de voir un être de chair, fût-il seulement un animal, périr afin de briser le lien. L’Euthanatos passe un certain temps à convaincre Nasir du bien-fondé de leur entreprise, préférant s’assurer son concours pour éviter justement que les choses ne tournent mal. Néanmoins, se profile tout de même l’idée de tenter une autre approche avant cela: Charles suggère d’essayer tout d’abord d’acheter le chien à ses propriétaires légitimes. Quittant l’abri chaud et confortable d’Amberville Hall, les deux hommes montent dans la berline de Floyd pour se rendre à Gordon Square, un quartier middle-class fort attrayant, mais d’un standing bien moins important que celui auquel Charles est habitué.

Le pouvoir de l’argent ouvre bien des portes, se dit justement Charles. Lorsqu’il sonne au 29, Gordon Square, un peu après six heures, la femme d’un certain âge, au chignon strict et à la robe noire, qui lui ouvre la porte, semble de ceux qui pourraient fort bien s’accommoder de quelques milliers de livres supplémentaires. A ses pieds s’agite une charmante petite chienne, un papillon brun et blanc, aux aboiements sonores, qui ne se calme que lorsque sa propriétaire la prend dans ses bras. Le jeune noble déploie alors tout son talent de baratineur hors pair, développé dans les clubs et autour des tables de jeu, et se présente comme étant membre de la “Société de Bienfaisance Aléatoire de Londres”, qui pourrait bien verser dix mille livres aux heureux sélectionnés s’ils répondent à certains critères et acceptent ensuite un gage.

Pendant ce temps, Floyd reste en retrait, soudain songeur quant aux noms présents sur la plaque à côté de la porte. Si celui du rez-de-chaussée, “Whitefield”, correspond visiblement à celui du couple qui vient de leur ouvrir — car la femme est maintenant rejointe par son époux —, le nom du locataire du premier étage, “Compton”, remue quelques souvenirs dans l’esprit de l’Euthanatos. S’efforçant de retrouver de quoi il s’agit, Floyd se rappelle soudain le nom de Cassandra Compton, l’une des victimes des Morrow, retrouvée morte il y avait de cela un mois près de la Serpentine dans Hyde Park. La conversation que Charles a avec les Whitefield finit par corroborer ses doutes. Il semblerait que Maria Whitefield ait justement adopté Pearl, la petite chienne, après la mort de sa soeur Cassandra; mais les grommellements de son époux semblent indiquer que le chien constitue plus un problème qu’autre chose, ne cessant d’aller aboyer et gratter à la porte de l’étage supérieur. Les simagrées de Charles — “si ce chien est bien à vous, et qu’il appartenait avant à une personne maintenant décédée, vous correspondez à nos critères: votre gage sera simplement de nous remettre l’animal, il sera évidemment bien traité” —, couplées à la perspective de recevoir ce qui doit correspondre à six ou sept années de salaire pour ces gens, achèvent de convaincre le couple. C’est en compagnie de la petite Pearl, réfugiée dans les bras de Nasir, que les trois hommes regagnent la berline.

(*) Parfois, les idées des joueurs sont très spéciales… J’avoue que le cambriolage de chien, je ne l’avais pas vu venir. Et la prestation de la “Société de Bienfaisance Aléatoire” fut hautement jouissive.

Le plan:

Si Floyd est resté en retrait, son esprit, lui, n’est certes pas demeuré inactif. A présent qu’il dispose du nom et du lieu précis de la mort du deuxième Spectre, il a pu les confronter à certains détails qu’il avait relus la veille dans les carnets de notes de son grand-père, et il pense qu’agir directement à Hyde Park, près de la Serpentine, pourrait contribuer à attirer les deux revenants de façon plus efficace. En descendant de la berline, non loin de Cumberland Gate, au nord-est de Hyde Park, il expose rapidement et discrètement son plan à Charles. L’Euthanatos compte en effet se servir de la proximité du lieu de mort de Cassandra pour y établir un lien, menacer ses Entraves, et la forcer ainsi à venir à lui, espérant qu’elle appellera Chrysler à sa suite comme elle l’a fait dans la demeure incendiée. Le plan est certes fort risqué, mais le jeune mage compte bien détruire les Entraves — ou du moins la corde spirituelle les reliant aux Spectres, dans le cas de Pearl — avant que leurs ennemis n’aient le temps d’agir sur le monde des Vifs. Floyd sait bien que détruire purement et simplement Compton et Chrysler ne leur sera pas possible; cela dit, il espère qu’en brisant les Entraves, ils parviendront ainsi à renvoyer les Spectres dans la Grande Tempête, dans l’espoir que peut-être ils pourront ainsi retourner tout de même dans le cycle des Âmes.

Le temps est glacial, la nuit tombée depuis deux bonnes heures déjà, et plus aucun promeneur ne semble arpenter les allées de Hyde Park, même si le parc lui-même ne ferme officiellement pas avant une heure encore. Anxieux quant aux chances de réussite de leur plan, les deux mages, accompagnés de Nasir portant toujours la petite chienne maintenant habituée à sa présence, s’engagent sur l’allée bordée çà et là de becs de gaz, espérant que la chance qui leur a jusque là souri (en grande partie grâce à Charles, il faut l’avouer) durera jusqu’à ce qu’ils arrivent sur les rives de la Serpentine…