Au service de la Couronne

Rencontre nocturne

Les PJs retournent à Alexander Manor pour prendre une collation, avant de récupérer le corps de Miss Valentine et les effets prévus pour l’enterrement. Ils se recueillent un moment devant le corps de la jeune femme, allongé sur une table d’examen dans une petite cave ovale sous le manoir et veillé ces deux derniers jours par un Crumpet fort maussade ; dans cet endroit empli d’étagères, de fioles au contenu étrange (serait-ce un fœtus humain, là-bas ?…) et d’odeurs inhabituelles, l’atmosphère n’invite pas au sourire, et c’est avec le plus grand sérieux que Floyd s’assure de la bonne conservation du corps, avant que Nasir et Andrew ne l’emportent dans le fiacre.

Floyd s’assure également de la santé de Genevra avant de partir. Charles lui fait remarquer qu’il faudrait songer à engager une gouvernante, car il n’est pas séant de laisser ainsi une jeune fille sans chaperon ; il lui suggère de s’adresser au Humpty-Dumpty Club, où se rencontre régulièrement le personnel d’intendance pour discuter autour d’un thé, et qui se trouve être une véritable mine d’informations sur les maisons de Londres, ainsi qu’un vivier pour les domestiques en quête d’une situation.

Le fiacre se met en route pour les faubourgs ouest de Londres, afin de pouvoir bifurquer ensuite sur une route de campagne. Liam en profite pour se préparer mentalement à ce qu’il compte faire une fois à Bushy Park. Cependant, ils n’ont pas encore quitté Londres qu’Andrew toque à l’ouverture le séparant de l’habitacle pour informer Charles de ce que des cavaliers approchent de front. Par la fenêtre, Charles distingue alors en effet un cheval lancé au grand galop malgré les pavés quelques peu glissants, transportant deux personnes derrière lesquelles surgissent alors cinq cavaliers en uniforme de police. Charles ordonne à Andrew de ne surtout pas s’arrêter : ils ne peuvent se permettre un contrôle ou même d’attirer l’attention maintenant, d’autant plus que ces fugitifs sont peut-être ceux de la Tour de Londres. Floyd, lui, décide tout de même de tenter quelque chose ; il emprunte à Nasir quelques balles afin d’en utiliser la poudre comme composant de sort, et concentre sur les munitions toute sa frustration et sa colère pour focaliser les vents entropiques et attirer sur les fuyards le « mauvais œil ».

Passagers pas si clandestins

Le plus grand des deux fugitifs lève un pistolet et fait feu sur l’un des policiers, ce qui a pour effet de réveiller Liam. Au moment où les cavaliers arrivent sur eux, Floyd lance les balles par la fenêtre. Il a tout juste le temps de distinguer vaguement quelques traits des deux personnes – de longs cheveux blonds pour la plus grande, une femme de toute évidence, de courtes boucles blondes et d’étranges lunettes à verres rougeâtres pour la deuxième. Alors que leur cheval dérape sur des pavés verglacés, les trois mages voient avec stupéfaction la femme se jeter sans ciller sur leur berline pour attraper la barre du marchepied et s’y hisser, entraînant à sa suite l’enfant qui atterrit avec un glapissement sur le toit. Charles lance un regard noir à Floyd, lui laissant entendre qu’il n’aurait pas eu besoin de faire cela, et demande le concours de Nasir pour se débarrasser des gêneurs. Quant aux quatre policiers restants, leur surprise est suffisante pour les pousser à l’erreur ; deux d’entre eux perdent le contrôle de leurs montures qui glissent et tombent également. Le troisième met pied à terre pour aider ses compagnons, et il n’y en a donc plus qu’un seul qui se lance, avec un petit temps de retard, à la poursuite du véhicule.

Andrew a instinctivement accéléré, ignorant les sommations du policier de faire demi-tour Liam, qui a joué de son sens de l’équilibre pour se hisser à demi par la fenêtre, jette un coup d’œil sur le toit où l’adolescent aux étrange lunettes supplie Andrew, justement, de ne pas s’arrêter. En voyant son uniforme rouge déchiré et sa peau marquée d’ecchymoses, Liam qui se revoit à son âge range son couteau et tend la main pour l’aider. Charles quant à lui se penche aussi de son côté, où il se voit accueilli par un pistolet brandi sous son nez et par une voix rauque de fatigue, mais clairement féminine qui lui ordonne de continuer à rouler. De là où il se trouve, Nasir ne peut pas grand-chose pour son maître, car tout mouvement pousserait sans doute cette femme à faire feu.

Liam crie à ses compagnons d’aider les deux fugitifs, et pas le contraire. Charles avise alors que le policier est toujours à leurs trousses et, posant sa main sur le canon du pistolet pour s’en servir comme support, manipule les probabilités pour que leur poursuivant fasse à son tour une chute. Dans le même temps, profitant du bref moment de surprise causé par son maître, Nasir saisit la main de Charles pour l’aider à arracher l’arme des doigts de celle qui la tient. La berline toujours lancée à pleine vitesse oscille maintenant dangereusement ; Liam a tout juste le temps de rattraper par le bras l’adolescent qui était en train de glisser, et Charles ceinture la femme, l’empêchant de se dégager… non sans lui causer une nouvelle surprise en lui disant tout de go: « Embrassez-moi! » Il faut dire qu’en dépit de son air pâle, malade et épuisé et de sa silhouette bien plus musclée que celle d’une lady, l’inconnue dispose d’attributs des plus… saillants sous son uniforme.

Toujours cramponné à Liam, l’enfant, à qui il a demandé de confirmer s’ils venaient bien de la Tour de Londres, répète qu’ils n’avaient rien fait de mal, n’essayaient pas de tenter quoi que ce soit, et ne voulaient même pas aller là-bas pour commencer. Ils n’ont apparemment aucune idée non plus de ce qu’est Mélusine ni de ce qu’ils ont vraiment déclenché. Lorsque le Verbena ramène sa « prise » à l’intérieur, sa compagne hurle « Wade, que se passe-t-il ? » et lutte de plus belle avec Nasir, qui parvient enfin à lui arracher son arme et à l’attirer de force à l’intérieur de la berline. Ce faisant, tous peuvent voir qu’elle porte elle aussi un uniforme rouge, ainsi qu’un curieux fusil en bandoulière dans son dos. Liam a toutefois le malheur de révéler qu’ils se dirigent de toutes manières vers Bushy Park et pas vers la Tour : à la mention d’un parc, l’adolescent s’écrie que la terre y est peut-être « infectée », et apostrophe la grande femme : « Lieutenant Wellesley, ne les laissez pas nous emmener dans un tel endroit ! »

Quand Liam mentionne que les policiers ne sont plus à leurs trousses, toute énergie semble déserter la femme, qui perd connaissance, victime de ses nombreuses blessures et surtout d’une longue et large estafilade à l’épaule, et lâche ses armes, de modèles qu’Andrew et Nasir eux-mêmes n’ont jamais vus. L’adolescent supplie alors les trois mages de ne pas la laisser mourir, et Charles s’en remet à Floyd et Liam et à leurs talents de guérison avant d’ordonner à Andrew de s’arrêter dans le premier faubourg qu’ils trouveront sur leur route : la situation est maintenant maîtrisée.

Service de la Couronne !

Toujours dans la berline, Liam examine la femme évanouie et étouffe un juron : de toutes évidence, elle a été rouée de coups, sans doute pour la torturer, et bien que ce blessures-là ne soient pas mortelles, pense Floyd, qui prépare immédiatement des bandages, elle perd toujours du sang par sa plaie à l’épaule. Quant à l’adolescent, recroquevillé sur la banquette, il s’est mis à pleurer doucement en silence, épuisé ; de temps à autre, il supplie Liam et Floyd de ne pas laisser mourir sa compagne. Les trois mages remarquent très vite que leurs passagers clandestins sont eux aussi du même bord ; tous deux portent par contre d’étranges uniformes rouges, peu discrets, et en fort mauvais état maintenant. Tandis que Liam s’occupe de la femme, Floyd essaye de calmer l’enfant  et procède à un examen rapide, y compris de son bracelet et de ses lunettes, mais sans rien comprendre à leur usage ; c’est alors qu’il se rend compte que « l’enfant » est en fait une jeune fille, qui doit avoir le même âge que Genevra, et qu’on avait facilement pu prendre pour un garçon de 12-13 ans à cause de sa petite taille et de ses vêtements peu féminins. Elle aussi a été frappée, durant son séjour à la Tour de Londres, même si moins violemment ; elle ne cesse de marmonner qu’elle ne comprend pas, que ce n’était pas censé se passer comme cela, que tous les autres ont été tués alors qu’ils ne voulaient qu’observer et seulement « passer le voile ».

Andrew signale qu’ils arrivent à Kingston-upon-Thames, bourgade proche de Bushy Park, où se trouve un relais de voyageurs nommé fort prosaïquement Le Relais de la Reine, dont la lanterne encore allumée malgré l’heure tardive signale la disponibilité pour les voyageurs arrivés trop tard pour entrer encore à Londres. Charles frappe à la porte, qui est bientôt ouverte par un homme mal rasé en chemise et aux bretelles mal remontées. Y allant de son culot habituel et profitant de leur mise encore fort élégante (et surtout exactement identique !) de la veille, Charles s’annonce comme « service de la Couronne » et exige une chambre… et que personne ne pose de questions. Etonné de voir arriver autant de monde, et notamment Liam et Floyd transportant le lieutenant toujours inconsciente, l’homme est toutefois suffisamment impressionné par le charisme de Charles et l’air sombre du groupe dans son ensemble pour obtempérer et leur donner une chambre à l’étage avant d’aller chercher de l’eau chaude et des linges sur ordre de Floyd.

Tandis qu’Andrew surveille la berline et Nasir l’adolescente toujours prostrée, Charles garde un œil sur l’aubergiste. (Entre Charles qui sort en silence un gros billet de vingt livres et Liam qui regarde l’aubergiste d’un air des plus ténébreux, il est clair ne parlera pas, pas tout de suite, du moins, et c’est toujours aussi impressionné qu’il leur donne ce dont ils ont besoin.) Quant à Liam et Floyd, ils s’occupent de la blessée, encore un peu surpris au demeurant de constater combien elle semble apte au combat, en dépit de son sexe. Il est clair quoi qu’il en soit qu’elle ne tenait plus que par l’adrénaline et la volonté. Floyd s’emploie tout de suite à recoudre sa blessure, visiblement due à un coup de couteau ou de sabre donné par l’arrière, en recourant à la même technique que celle qu’il avait utilisée pour sauver Randall Greene, et ce à une vitesse surhumaine. L’opération terminée, le voilà épuisé, mais il peut dire avec certitude que le lieutenant s’en tirera ; malgré une légère fièvre, c’est une femme solide.

Dans sa veste d’uniforme, les deux hommes trouvent une petite fiole et un curieux matériel qui permettrait de tirer du sang, mais pas d’en transfuser. Floyd l’empoche, se demandant à quoi cela sert (pour faire des analyses ?) ; pour Liam, il ne fait aucun doute que c’est un point focal magyque. Pendant que le Verbena reste dans la chambre pour soigner les autres blessures de leur patiente, qui a tout de même deux côtes cassées, Floyd va chercher l’adolescente dans la berline ; face à sa crainte de marcher sur la terre battue, il la porte directement dans la chambre, avec les armes et instruments étranges qu’elle gardait sur ses genoux. Charles dit à Floyd qu’il peut sans problème louer la chambre pour quelques heures, mais qu’il ne faut pas les laisser ici plus longtemps, et fait passer à la jeune fille le message qu’en cas de problème, elles doivent se rendre à Amberville Hall à Belgravia, Londres. A ces mots, elle semble un peu soulagée, car « au moins, ce n’est pas dans la Cité Morte », dit-elle.

Liam s’occupe d’elle un moment et essaie de la rassurer, car elle semble même avoir peur des arbres dehors : selon elle, ce sont parmi les premiers à être infectés (« c’est ce qui s’est passé en Ecosse, avant ma naissance, tout était infecté. ») Il joue le jeu, bien qu’il ne comprenne pas ce qu’elle raconte: elle prétend se nommer Leslie Wade et appartenir au corps des Ingénieurs Royaux de l’Armée, et sa compagne, le Lieutenant Ada Wellesley, est selon elle un Annihilateur Royal. Lui-même lui dit appartenir au « Corps de Kensington », qu’elle ne connaît pas, car il a vite compris que dans sa vision des choses, pour elle, on ne peut pas travailler en solo, « c’est interdit ». Leslie promet une fois de plus qu’elles ne voulaient de mal à personne; elle se sent en plus visiblement coupable de ce qu’elle ne peut rien faire, alors qu’Ada devait la protéger et a été blessée à cause d’elle. Il est clair que la gamine est épuisée, et ne bougera plus de là.

La cérémonie funéraire

Quand il redescend, Liam rapporte les paroles de Wade à Floyd et Charles. Ils s’installent dans la berline, où Liam force Floyd à dormir pendant une demi-heure, et se rendent à Bushy Park où ils entrent sans encombre, le parc n’étant pas clôturé. Seul le clapotis des eaux du Canal du Roi trouble le silence nocturne. Liam indique à Andrew le chemin de l’endroit qu’il avait repéré la veille pour enterrer Sarah Valentine, plus vers le centre. Une fois sortis du véhicule, Charles prend le fusil de l’infirmier et les cartouches, qu’il compte laisser dans la tombe. Ils se mettent en route en procession, Liam tenant une bougie allumée, Andrew et Nasir portant le corps, Floyd et Charles fermant la marche avec deux bougies eux aussi. Tout en marchant, Liam murmure une prière en gaélique irlandais.

Ils arrivent au pied d’un grand chêne centenaire, au pied duquel coule un ruisseau. Nasir et Andrew se chargent de creuser la tombe, pendant que les autres font leurs préparatifs; Liam remplit un bol de terre dans le ruisseau. Ils enterrent avec Sarah le fusil qui a servi à la tuer, et lui rendent un dernier hommage, chacun à sa manière, en espérant qu’ici, elle sera enfin en paix. La jeune femme semble dormir, son corps parfaitement préservé, toujours vêtue de sa pauvre chemise de nuit de Bedlam. Floyd tire de sa poche une petite peluche et la pose dans sa main en murmurant : « Je vous ai fait une promesse ; je me tiens ici plein d’amertume, car nous avons échoué à tenir notre parole. Mais j’espère que là où vous êtes à présent, vous êtes enfin libre. » Charles, qui a pris de l’hydromel au relais, partage sa flasque avec des compagnons (Nasir et Andrew se tiennent un peu à distance).

Puis tous trois comblent la fosse, silencieux et recueillis. Une fois le trou à moitié rempli, Liam prend des galets pris en même temps que l’eau dans le ruisseau, les pose autour de la tombe, et s’assied à même le sol. Il regarde le reflet de la bougie dans son bol de bois laqué rempli d’eau, et entonne un chant funéraire pour appeler la protection des Esprits. Quelques temps après, un Esprit de l’Eau répond à son appel : une forme brumeuse, vaguement humanoïde, s’élève du ruisseau pour se diriger vers lui et lui demander ce qu’il désire. En échange de leur protection pour Sarah, Liam s’engage à protéger Bushy Park ; l’esprit accepte son offre et se fond alors dans la terre fraîchement retournée qui, comme par miracle, se couvre à nouveau en quelques minutes d’herbe, ne laissant que le cercle de pierres apparent.

Pour concrétiser le pacte, Liam mêle son sang à l’eau qu’il répand sur la tombe, s’incline, et revient vers le petit groupe. Floyd, lui, reste encore en arrière un moment, et jure à Sarah Valentine que ceux qui lui ont fait du mal. « Nous vous entendons, et nous nous souvenons », semble murmure le vent, comme pour acquiescer à son serment. Puis l’Euthanatos revient lui aussi à la berline, et remercie Liam, qu’il est heureux de pouvoir appeler son ami.