Où Liam et Floyd se retrouvent non seulement dans des endroits dont l’existence était jusqu’à présent rien moins que confirmée, mais rencontrent également une famille fort étrange, et sont confrontés à un certain nombre de révélations aux implications lourdes de sens.
Cercles de pierre
Départ mouvementé
A l’issue de leur court séjour au village caché des haggis, Liam et Floyd n’avaient eu que le temps de constater la disparition de Charles, très certainement à cause de la tentative quelque peu imparfaite du Roi pour officier le rituel. Lorsque vient leur tour de partir, il ne se passe pas grand chose pendant un long moment, sinon qu’ils se tiennent toujours au centre du cercle de pierre, que le brouillard autour d’eux s’est complètement opacifié, et que le silence qui les environne est si profond qu’il en devient étouffant: leurs voix elles-mêmes ont cessé de porter hors de leurs bouches, et ils ne peuvent plus communiquer que par signes. Bientôt, Floyd est pris du sentiment que quelque chose d’anormal s’est passé, que le transfert a été interrompu — est-ce d’ailleurs le cercle qui se déplace, et non eux seuls, vu que la tension magyque qui habitait ses pierres est toujours présente, et que sept des symboles sur son pourtour continuent de luire doucement? L’impression que quelque chose les bloque se confirme au moment où un brusque choc leur fait perdre l’équilibre, comme si leur déplacement venait d’être interrompu, bientôt suivi d’un second choc. Le brouillard autour d’eux disparaît soudain, remplacé par l’éblouissante lumière du jour. Lorsqu’ils parviennent enfin à distinguer clairement ce qui se trouve autour d’eux, ce n’est pas exactement rassurant.
Liam reconnaît immédiatement l’endroit qu’il avait perçu lors de sa plongée umbrale dans leur caverne des Highlands: le cercle de pierre, les cottages en ruine, les silhouettes blanches des arbres… Bien que n’étant plus dans l’Umbra, les deux hommes ne sont pas non plus certains d’avoir vraiment regagné leur monde, une certitude renforcée par la blancheur uniforme du ciel qui ne semble pas couvert de nuages, ni dissimuler un quelconque soleil, sans parler de l’absence d’ombres autour d’eux en dépit de la lumière. Eux-mêmes constituent les deux seules formes de Vie en ce lieu, et tout le reste n’est que coquilles vides et inanimées.
Le village mort
Liam fait un pas hors du cercle, sentant l’herbe se briser sous son pied avec un tintement cristallin; dans la seconde qui suit, il retourne auprès de Floyd, car le givre couvrant le sol a déjà commencé à recouvrir sa chaussure, et seul le fait de demeurer dans le cercle de pierre l’empêche de s’étendre… pour le moment. Floyd, de son côté, s’est débarrassé de sa veste et assis en tailleur pour se concentrer sur d’éventuelles rémanences paradoxales. Lorsqu’il rouvre les yeux, des yeux devenus laiteux, l’épouvante s’y lit: tous deux se trouvent dans l’oeil d’un cyclone, au centre même de ce qui est ou a été une tempête paradoxale si terrible qu’elle a eu pour effet de placer l’endroit tout entier sous la domination du Tisseur. Rien ne peut croître, vivre ou changer ici. Pis encore: ce qui les protégeait jusqu’à présent étaient les derniers lambeaux de magye liés au cercle et à l’ancien rituel pratiqué par le Roi, et ceux-ci sont en train de s’effilocher. Le cercle ne se rouvrira plus, à présent, car il ne s’y trouve plus assez de Quintessence pour l’alimenter, même si les deux mages venaient à verser tout leur sang sur ses pierres inertes.
Terrorisé, Liam avoue son ignorance quant à une éventuelle remise en marche de cette porte. Néanmoins, il se rappelle alors que dans sa vision, l’une des sorties du village se trouvait non loin de là, et la cherche du regard. A tout juste cent mètres derrière eux se dressent en effet les deux poteaux de pierre; le Verbena croit d’ailleurs distinguer de l’autre côté une faible lueur, la flamme d’une torche, peut-être. Constatant sa panique croissante, Floyd s’efforce de le calmer, et finit par user de sa propre magye pour transférer sa vision à son ami et lui laisser voir le détail de ce qui les environne, afin qu’il puisse éviter tout ce qui se dressera sur leur chemin. A l’issue de ce transfert, par ailleurs fort difficile (car l’endroit lui-même se révèle de plus en plus réfractaire à toute forme de magye, même au sein du cercle), Floyd se retrouve temporairement aveugle, guidé par Liam qui voit maintenant le monde à travers plusieurs filtres différents.
Liam confirme qu’il y a du mouvement au delà des deux bornes marquant la sortie du village. Tous deux s’élancent hors du cercle sans plus attendre, Floyd quelque peu à la traîne car incapable de voir où il met les pieds. Immédiatement, Liam voit surgir des dizaines, des centaines de minuscules araignées qui se précipitent sur leurs pieds (le “givre” qu’il avait perçu précédemment), et l’air lui-même leur paraît solide, compact, comme cherchant à les empêcher de fuir. Avec l’énergie du désespoir, tout juste protégés par les restes de magye du cercle encore accrochés à leurs personnes, les deux hommes atteignent la sortie, et Liam a tout juste le temps d’envoyer Floyd passer entre les deux poteaux, lui-même le suivant avec une roulade, avant que les araignées ne puissent les retenir à l’intérieur. Au moment où il lâche Floyd, Liam perd la seconde vision qu’il avait acquise, tandis que son ami reste encore aveugle quelques temps. Fort heureusement, ils sont hors de danger, étalés sur un mauvais chemin forestier envahi de ronces et de toute évidence très peu pratiqué.
Un curieux guide
L’attention de Liam est attirée par des bruits de pas; levant la tête, il se retrouve nez à nez avec un Terre-Neuve noir— énorme selon tous standards, puisqu’il doit bien faire 1m10 au garrot et au bas mot quatre-vingt dix kilos. Le chien tend sa patte à Liam, qui au moment où il la prend a la certitude que cet animal a quelque chose de magyque en lui (un Familier?). Quoi qu’il en soit, grâce à son aide, Floyd peut se relever, et gagne là un guide certes curieux mais efficace le long du chemin, comme si cette bête-là avait l’habitude d’aider ainsi les gens. Quant à Liam, en se retournant pour jeter un dernier regard à l’endroit où ils ont bien failli périr, il se rappelle que quelque chose était justement gravé sur l’une des deux pierres dans la version umbrale du village, et emprunte à Floyd son carnet et son crayon afin de noter la version complète de ces écrits:
W.Gate
We sang and danced in this place
Amidst the souls who once peopled it;
We thought eternity was held here
Between a flower and the laughter of a child.
Then the curse fell on them,
Cast by a son of darkness,
And they died in a single scream of terror
To complete his circle of destruction.
She who stood up to him,
Sheltering life between her hands,
Away she went, to the land of the spirits,
When our world rejecter her.
Now we will pray for the child she saved,
And for his soul to come back to us,
He who was born from an impure land
Yet received Twilight’s blessing.
— Aaron Lannister —
Liam réalise que ces mots ont été rédigés par le père d’Ezekiel, et qu’ils sont tous deux peut-être bien là à “l’endroit où tout a commencé”…
Une révélation
Ces réflexions faites, les deux hommes suivent le chien hors de la forêt, qui s’ouvre à un demi-mile de là sur d’autres ruines, en bien plus mauvais état cette fois, puisqu’il ne reste de ce village-ci que quelques murets épars et fondations noircis par la foudre, à priori. Quoi que ce soit qui ait frappé les bras, cela a également eu un impact sur ces habitations-là, et il est certain que personne n’a reconstruit ici depuis. Le petit groupe se hâte sur le chemin longeant la forêt (car il fait bien froid, et Floyd a de plus laissé sa veste dans le cercle de pierre…); au sortir de ces nouvelles ruines, ils aperçoivent alors une petite silhouette encapuchonnée et portant une lourde pelisse, assez mince, assise sur une grosse pierre, qui semblait les attendre, car elle se lève à leur arrivée et se précipite vers eux. Elle s’accroupit tout d’abord auprès du chien, lui posant une main sous chaque oreille, puis se tourne vers Liam et Floyd. Il s’agit d’une jeune fille aux yeux clairs et aux cheveux blonds curieusement coupés au carré, portant une marque discrète le long de la joue gauche; non sans un certain choc, Liam croit d’abord être là en présence de l’adolescente qu’ils avaient rencontrée dans l’église désacralisée de Greenwich, avant de comprendre qu’il doit s’agir là de son équivalent dans leur monde à eux. De plus, la jeune fille ne leur semble pas hostile.
Ce premier moment d’incertitude passé, les deux hommes apprennent de la jeune fille (qui ici également se prénomme “Lily”, et dont la présence est de toute évidence magyque) qu’ils viennent de quitter ce qui fut jadis le village de Willsborough. Par delà les champs au nord, à flanc de colline et quasiment surmonté par une falaise de grès, se trouve Waldridge — il est donc maintenant certains qu’ils sont en Angleterre, même si encore bien loin de Londres. Lorsque Floyd, interrogé sur son état, admet avoir procédé à un rituel dans le cercle, Lily s’exclame, presque paniquée, qu’ils sont fous d’avoir lancé un sortilège à Dresca même, qu’ils auraient pu rester prisonniers de la Fissure, et qu’ils ne doivent pas rester là. Et, sans plus attendre, elle les entraîne sur le chemin en direction de Waldridge, avant de les faire bifurquer à travers champs en direction de l’une de ces maisons fermières qu’ils peuvent apercevoir, disséminées çà et là dans la vallée.