Témoignage

Les journaux

Arrivé à l’entrepôt, Ed retrouve Peter, son superviseur, et parvient à le convaincre que son retard est la faute de Floyd Alexander, qui l’aurait tenu éveillé la moitié de la nuit à trier sa bibliothèque. Voilà notre jeune homme de retour dans son quartier de livraison, tentant de vendre encore plus et compenser ainsi pour son retard. Entre deux ventes, il jette comme de coutume un oeil sur les titres, pour constater que l’annonce concernant Kincaid est toujours d’actualité, et que l’assassinat de Martins a été relaté, mais en détails plus que succincts. Ed a aussi la surprise de voir s’arrêter à sa hauteur le fiacre des Saint-Clair, et Mme Saint-Clair elle-même lui acheter un exemplaire du Daily Mail, avant de lui laisser un pourboire et de repartir. Ed est assez troublé par tout cela; il a vaguement la sensation qu’elle se fait bien remarquer, aussi bien par son attitude hautaine que sa chevelure et ses bijoux voyants, et ne s’explique pas pourquoi. Néanmoins, à présent qu’il l’a vue de plus près, il s’aperçoit qu’elle dégage une sensation étrange, qui n’est pas celle d’un mage, mais clairement pas non plus celle d’un simple Dormeur.

Un visiteur inattendu

Au cours de cette même matinée, le Colonel, entraînant une pouliche qu’il pense pouvoir dresser pour le derby, constate que l’animal est de plus en plus nerveux et incapable de travailler. Elle évite notamment un certain endroit du paddock. Mettant fin à la séance, il examine l’endroit, sans rien y trouver, et fait part à Floyd de cet étrange phénomène. Sachant que sa demeure et son terrain sont quelque peu spéciaux, l’Euthanatos tente de percevoir une activité de l’autre côté du Linceul, et parvient finalement à distinguer la présence d’une jeune fille en longue robe noire à la jupe bouffante fort passée de mode et au mains qui semblent comme tachées d’encre, portant une ombrelle; elle ne doit pas avoir plus de douze ou treize ans. Il la salue poliment, ce à quoi elle répond avec une égale politesse, et accepte son invitation à séjourner sur les lieux si elle le désire, du moment qu’elle respecte les règles. Peu après, Floyd réalise qu’il a négligé de lui demander son nom, mais elle a déjà disparu de sa vue.

East End

Midi est passé lorsque Wilfried revient enfin. Il a eu du mal à trouver Swift, et annonce à Floyd que le journaliste ne pourra hélas pas être présent à table, mais qu’il voudrait que les trois mages le retrouvent à 15h au “Soleil Rouge” à Limehouse. Troublés par ce rendez-vous dans un quartier somme toute peu fréquentable, Floyd et le Colonel se hâtent, après le déjeuner, d’aller chercher Ed, qui a coutume d’aider son père à la taverne après ses ventes de la matinée. Se rendant compte que le temps leur manque pour rejoindre le pont le plus proche, ils partent en quête d’une embarcation qui les mèneraient à Limehouse Pier, et montent à bord de l’Aurora. La vedette fonce à toute vapeur sur les eaux huileuses de la Tamise, manquant les faire tous tomber à l’eau, et mettant le pauvre Floyd bien mal à l’aise, car il déteste ce fleuve. Ed en profite pour leur faire part du rêve étrange qu’il a fait, et de sa rencontre avec Saint-Clair. Enfant de l’East End, il connaît également le Soleil Rouge de réputation, et contrairement aux attentes de ses compagnons, il ne s’agit pas d’une autre taverne, mais d’une fumerie d’opium. Quand on pense que Floyd est sur le point d’entraîner un enfant là-bas… How shocking!

Au Soleil Rouge

Arrivés à Limehouse, les trois mages s’enfoncent dans le dédale de ruelles qui s’offre à eux pour trouver enfin la Golden Lane, impasse méritant très mal son nom. L’établissement n’est annoncé que par une porte close, que vient ouvrir un petit homme laid. Lorsque Floyd demande à voir Swift, l’homme se contente de lui claquer la porte au nez, laissant les trois mages seuls dans la ruelle, en compagnie d’ordures, de caisses moisies et de ce qui semble être un corps allongé sous une vieille couverture. Après plusieurs minutes d’attente, ils en sont à envisager d’entrer de force, lorsque le nabot revient leur ouvrir sans un mot.

La fumerie qu’ils traversent est un endroit plus que miteux, envahie par une épaisse fumée qui menace de bien vite troubler l’esprit de ceux qui la respirent, et les yeux de ceux qui les regardent passer sont vitreux et totalement inexpressifs. Nulle part les trois hommes ne voient trace de leur connaissance commune, jusqu’à ce que quelqu’un leur fasse discrètement signe de derrière un rideau à l’arrière de la salle. Dans le corridor et l’étroit escalier se trouvant derrière, ils retrouvent le journaliste, qui les enjoint à monter au plus vite, jusqu’à une chambre donnant sur la Tamise. Sur le lit se trouve allongé un blessé, le bras gauche en écharpe. Cet homme, Randall Greene, négociant revenu des Indes, est un ami de Swift, et est lui aussi Eveillé; il a refusé jusqu’à présent de voir quiconque d’autre, et se terre dans la fumerie, épouvanté. Quoi qu’il en soit, les voilà pour la première fois avec un témoin direct encore capable de leur apprendre quelque chose.

Floyd tente d’interroger un Greene terrorisé, à demi drogué et en plein délire, et finit par en tirer qu’il a été de fait agressé la nuit précédente, alors qu’il raccompagnait chez elle une dame… par la dame en question, une certaine Amelia Woodrow. Selon ses dires, et au vu de sa blessure une fois examinée de façon plus “attentive”, il apparaît que l’attaque était d’origine entropique, et a été perpétrée d’une façon bien abjecte. Par chance pour lui, Greene est parvenu à la contrer suffisamment pour survivre, avant que le choc ne l’envoie dans la Tamise où l’assassin comptait vraisemblablement jeter son corps par la suite. Il ne sait plus lui-même par quel miracle il est parvenu à se traîner jusqu’à la fumerie, puis à appeler Swift à l’aide.

Floyd, que l’état de Greene inquiète au plus haut point, charge Ed de se rendre au plus vite au manoir afin de ramener sa sacoche et ses instruments médicaux. (Passons rapidement sur les méthodes magyques de l’enfant, car les latrines de l’endroit étaient fort peu ragoûtantes.) Il mentionne à Swift la présence des trois créatures aux dents longues sur les lieux du crime, bien qu’ajoutant également qu’il ne les croit pas coupables, en tous cas pas dans ce cas précis. Le Colonel en profite pour observer les environs, vérifier que personne ne pourrait s’introduire dans la pièce pour perturber l’opération, et descend ensuite s’assurer qu’aucun ennui potentiel ne viendrait en provenance de la ruelle. Il constate par là-même que le corps allongé derrière les caisses est celui d’un mendiant mort de froid durant la nuit.

Ed revenu avec la sacoche, le médecin se met au travail; l’Orphelin, lui, en profite pour faire les poches de la veste de Greene, posée sur l’unique chaise de la pièce, et y trouve un carton taché de sang, mais laissant tout de même voir qu’il s’agit d’une invitation pour une soirée donnée la veille près de Brockwell Park — chez Adrian et Maureen Saint-Clair. Il se pourrait donc que ce soit là qu’il ait rencontré la dénommée Amelia Woodrow. L’après-midi touche à sa fin lorsque Floyd achève sa besogne, non sans préciser qu’il faudrait amener Greene maintenant inconscient dans un bon hôpital, ce dont son ami va se charger, enjoignant les trois autres mages à rester prudents. Prêts à quitter ce lieu de débauche, ils rejoignent Wilfried, qui avait reçu pour ordre de les attendre avec le fiacre, déposent Ed sur son lieu de travail et Swift et Greene à un hôpital non loin de la City, et prennent ensuite la route des quartiers résidentiels situés au sud de la ville.