Méfaits au sud

To the South!

Le Colonel et Floyd choisissent de s’intéresser aux Saint-Clair et à Woodrow, et tandis que le véhicule les emporte vers South Lambeth puis les zones résidentielles de la middle-class situées à la limite de Londres et du Surrey, tous deux emploient leurs dons, chacun à leur manière, à la localisation de ces personnes. Floyd détermine l’adresse exacte des Saint-Clair, à l’est du parc; quant au Colonel, il parvient à apercevoir une image fugace d’une femme aux yeux fous qui pourrait être Woodrow. Toutefois, alors qu’il cherche à percevoir si celle-ci a un lien avec Saint-Clair, il se heurte soudain à un mur de ténèbres opaques et presque solides qui brisent sa vision. Perturbés, les deux hommes décident de prendre le pouls de la zone, pour ainsi dire, en s’installant dans un salon de thé où ils réfléchissent au problème en attendant que Ed les rejoigne.

Ed, lui, distribue ses journaux, se hâtant autant qu’il le peut, car il a promis d’aller lui aussi (tout en restant prudent) jeter un oeil au sud — les trois mages ont en effet remarqué qu’aucun corps n’avait jamais été retrouvé sur la rive sude ou plus bas que Westminster Bridge. Dans le journal, l’annonce concernant Kincaid a disparu, tandis qu’un des encarts de la rubrique nécrologique fait mention de la mort d’Elliot Dougall, retrouvé comme deux autres dans la Tamise, plusieurs jours après son décès. Lorsqu’il rejoint ses compagnons, cette information intéresse au plus haut point le Colonel, et à juste titre. Il a maintenant la confirmation que quelque chose d’étrange devait se tramer avant même la mort de cet ancien membre du club.

Sur ces considérations, ils se rendent à la demeure des Saint-Clair, et ordonnent à Wilfried de les attendre un peu à l’écart, avant de s’approcher discrètement de la bâtisse.

Rencontre chez les Saint-Clair

Nos vaillants enquêteurs, puisque c’est ce qu’ils sont devenus, se concertent un moment quant à la conduite à adopter. La grande bâtisse semble pour le moment peu animée, et ils en sont à envisager de s’y glisser en catimini, lorsqu’un homme à cheval passe soudain devant eux le long de l’avenue, en direction de la demeure; il ne les remarque même pas, mais eux peuvent constater qu’il s’agit d’un Adrian Saint-Clair visiblement fort angoissé. Pris d’un soupçon, le Colonel tente une fois encore de percevoir la présence d’Amelia Woodrow, qu’il sent cette fois beaucoup plus faible que quelques heures auparavant, mais bel et bien liée aux Saint-Clair. Les trois mages décident alors de tenter le tout pour le tout, et de pénétrer chez ceux qu’ils observent.

Dans sa hâte, Saint-Clair n’a même pas pris le temps de refermer la grille, pas plus que la porte d’entrée; c’est en pénétrant dans la demeure qu’ils se rendent compte que pas un seul serviteur ne vient leur barrer la route, contrairement à leurs craintes, et que la seule lumière éclairant le couloir est celle d’un feu de cheminée, provenant d’une pièce, au fond, à la porte restée elle aussi ouverte. Des éclats de voix leurs parviennent: Adrian Saint-Clair, tout d’abord, exigeant de savoir “Que lui est-il arrivé? Vous aviez promis qu’il ne lui serait fait aucun mal”, coupé immédiatement après par un “Silence” froid et autoritaire. Cette dernière voix n’est autre que celle d’Aidan Stockwell, ce qui hérisse particulièrement Floyd, et le pousse à se précipiter dans le salon en question sans plus se soucier de discrétion. Il y est accueilli par un pistolet braqué droit sur lui dans un réflexe, ce qui refroidit immédiatement assez l’atmosphère.

Nos deux gentlemen étant fort heureusement d’une espèce qui tend à parlementer avant de tirer, les quelques moments de tension qui s’ensuivent ne s’achèvent pas dans un bain de sang. Les trois mages découvrent dans le salon une Maureen Saint-Clair allongée dans un fauteuil près de la cheminée, son époux inquiet à ses côtés; à l’opposé, recroquevillé dans le coin de la pièce, se trouve le corps d’une autre femme, que le Colonel reconnaît pour être Amelia Woodrow, qu’on a visiblement ligotée après l’avoir assommée d’un violent coup de canne dont la marque rouge peut encore se voir sur sa tempe. Des explications s’imposent, car Floyd exige de savoir ce qui s’est passé, et pourquoi cette femme est ici, alors que les Immortels avaient prétendu se désintéresser de la chose. De l’échange houleux entre mage et vampire, il en découle que ce dernier n’a pas hésité à utiliser Maureen comme appât, suite aux événements de la nuit précédente et à la disparition entre temps confirmée de quelques uns “des leurs”. Quant Maureen Saint-Clair, justement, elle est en train de se remettre peu à peu, bien que son motif vital apparaisse à Floyd comme dévoré de l’intérieur par une forme sombre (et empeste l’Entropie à plein nez).

Néanmoins, malgré les apparences, l’affaire n’est pas terminée: c’est clairement un homme qui s’en était pris à la victime de la veille, et il y aurait donc au moins deux meurtriers. C’est du moins ce que semble penser Stockwell, qui annonce très matter-of-factly qu’il laisse “l’autre” aux mages, mais qu’il gardera la femme, qu’ils le veuillent ou non. Les trois hommes finissent par acquiescer à cette exigence, et tandis qu’Ed profite de la faiblesse temporaire de Madame Saint-Clair pour tenter d’en savoir plus sur ce Kincaid qu’ils recherchaient (et en retire l’image d’un homme très pâle qui pourrait fort bien être lui aussi l’un de ces morts-vivants), Amelia Woodrow est réveillée sans ménagement afin d’être interrogée.

Amelia

La première chose qui vient à l’esprit de Floyd et du Colonel lorsque Woodrow reprend connaissance est qu’elle n’a plus toute sa raison. A peine a-t-elle posé les yeux sur eux, ou plutôt sur Stockwell et l’Eutanatos, qu’elle se met à hurler et à paniquer, cherchant en vain à libérer ses mains. Dans un souci d’essayer de comprendre ce qu’elle raconte, elle qui ne cesse maintenant de mentionner des “yeux”, “le Néant” et “vous êtes l’Abysse”, le Colonel établit un lien psychique de surface; heureusement, sa volonté à lui est suffisamment forte pour lui permettre de tenir face à ce qu’il perçoit, en particulier lorsque Floyd a l’imprudence d’ouvrir sa propre perception à l’Entropie. Pour Amelia Woodrow, les ténèbres semblent avoir tout envahi, et son esprit n’est plus qu’un vortex chaotique dans lequel Mac Dubtach parvient à distinguer des fragments d’un étrange texte manuscrit mentionnant des “réceptacles du vide”:

… Au royaume du crépuscule, nous chanterons pour l’éternité, contemplant la voie obscure qui mène aux Enfers. Priez pour nous, vous qui nous succéderez. Priez pour nous, qui vous avons précédés. Priez pour nous, âmes emplies de violence, êtres creux, réceptacles du vide, qui avons jadis cherché à abattre le ciel, et errons désormais dans les terres obscures de notre vanité…

Sous les injonctions insistantes des deux mages, elle finit tout de même par avouer d’une voix entrecoupée qu’elle n’avait plus le choix, que c’est son époux, Peter, qui l’avait initiée, et que tous deux n’avaient plus d’autre choix que de “détruire le Néant” (à leurs yeux, les manipulateurs d’Entropie qui n’étaient pas des leurs), maintenant qu’ils avaient lu “le journal” trouvé à Durham. Qui plus est, c’est pour éviter d’assister à ce que va faire Peter — tuer leur fille, Genevra, qu’ils considèrent comme condamnée, et dont le Colonel, toujours en lien sympathique, a à ce moment une fugace vision — qu’elle était venue s’occuper de Maureen Saint-Clair, qualifiée elle aussi de suppôt de l’Abysse. Mais alors qu’elle prononce ces aveux, le Colonel, qui vient de mentionner à ses compagnons les mots lus dans son esprit, remarque un changement d’attitude presque imperceptible chez Stockwell. Curieusement, il semble presque aussi désireux que Floyd de se rendre lui aussi chez cet homme sur le point d’assassiner sa propre enfant.

L’Euthanatos sait qu’il n’y a plus rien à faire pour Woodrow, et que sa folie est de celle dont aucun mage ne guérit plus. Il la recommande à Dieu, comprenant toutefois fort bien que l’Immortel à côté de lui ne lui accordera aucune clémence, et qu’elle est condamnée à plus d’un titre. Entre deux sanglots, elle leur révèle son adresse, avant d’être à nouveau assommée sans autre forme de procès. Sur ces entrefaites, laissant la Maraudeuse (*) aux “bons soins” des Saint-Clair, les trois mages se précipitent vers la sortie…

(*) Ca se dit, ça? C’est moche…