Un plan sans accroc
Des nouvelles du front
Nos trois larrons restent toutefois confrontés au défi de Floyd, que celui-ci cherche à relever aussi vite que possible, afin de pouvoir mieux se concentrer ensuite sur les problèmes concernant le livre et la Tour de Londres… ainsi que de profiter du fait que l’attention de l’Union est très certainement focalisée sur ladite Tour en ce moment. Liam essaie une fois encore d’expliquer ce à quoi ils s’attaquent, surtout pour un simple pari; tout comme la Tour Blanche, cet endroit est un bastion de ce qu’il appelle l’Ordre de la Raison, et Floyd ne peut que confirmer, notamment parce que Charles semble ne pas encore avoir très bien compris à quoi ils ont affaire. Après tout, en dépit de ses manipulations financières, lui-même n’a pas encore été inquiété par l’Echiquier Invisible… pas encore.
Tandis que Floyd tente à son tour de bien faire prendre conscience à ses deux compagnons de quoi il en retourne en ce qui concerne le Bethlem Hospital, bastion de l’Union Technocratique, Charles vérifie comme à son habitude les résultats des courses dans le Times: l’un de ses paris lui a encore fait remporter quelques milliers de livres. Au passage, il remarque en page 3, chose fort curieuse eu égard à l’importance de la chose, un article concernant la Tour de Londres. Celle-ci aurait été la cible d’un groupe de malfrats ayant pour but les Joyaux de la Couronne; heureusement, les voleurs ont tous été arrêtés et mis sous les verrous. Ni une, ni deux, Charles se fait apporter son téléphone pour contacter l’inspecteur Murphy au Yard. Faisant jouer les ennuis financiers chroniques de son contact, il parvient à le convaincre de se rendre à 11h dans un pub situé non loin de son bureau, où Andrew lui remettra une somme conséquente en échange de quelques informations.
De l’art de relever un défi
Quant au Bethlem Hospital… Ayant séjourné là-bas quelques temps, Floyd sait déjà que passer par la porte d’entrée serait une fort mauvaise idée, et que les fenêtres, dont la plupart sont bloquées par des barreaux, ne s’ouvrent pas. Deux solutions restent possibles: par les toits ou par les égouts. Le jeune Euthanatos se souvient d’un camarade de cellule qui connaîtrait un passage menant à un bâtiment dans les faubourgs, en partant des douches; malheureusement, ce camarade se trouvant encore à l’asile, il est impossible de vérifier maintenant ses dires. Quoi qu’il en soit, Charles s’insurge contre cette idée d’égouts: relever un défi de la RCS doit se faire avec panache, pas en rampant dans la boue, et ce même si ce que cherche Floyd se trouve au sous-sol. Il suggère alors l’idée de s’y rendre en ballon, en se laissant descendre sur le toit au moyen d’une corde, et de compter sur Andrew et Nasir qui les attendraient dehors avec un coche afin de fuir au plus vite dès leur larcin commis. En cette saison et par ce temps, utiliser un aérostat semble être du suicide, mais Charles n’en démord pas.
Floyd reste quelque peu méfiant à l’égard de Liam, et Charles, afin de tester leur nouveau compagnon (ainsi qu’au vu de sa tenue des plus miteuses), propose au jeune Verbena de travailler pour eux dans le cadre de ce même “cambriolage” de l’asile, afin de leur faciliter l’entrée. C’est sans sourciller qu’il offre 5000£ à un Liam estomaqué par tant d’argent, qui pris de court refuse, avant d’en accepter finalement 500, bien plus qu’il n’a jamais eu entre les mains de toute sa vie. En effet, Charles rappelle que Floyd a droit à deux assistants et un témoin pour la réalisation de son défi. Il en profite pour expliquer à Liam le principe de la Royal Challenge Society. Décidément, les gens riches ont de fort étranges occupations…
D’autres possibilités sont envisagées, notamment la présence potentielle du médecin vissé par Floyd à Bedlam ce soir-là, ou encore le plan de droguer le repas du soir destiné aux différents services des employés. Bien entendu, verser un soporifique dans les casseroles est en soi déjà une gageure, et tout le monde n’y réagirait pas de la même manière… Mais l’idée est conservée: Floyd et Liam, qui se retrouveront le lendemain à 8h au manoir Alexander, se chargeront de concocter une telle potion, tandis que Charles s’assurera le concours de l’aérostatier de la RCS, Douglas McDonnell, afin que le ballon soit prêt à décoller au coucher du soleil. Floyd insiste également sur le fait qu’une fois à l’intérieur de l’asile, c’est lui, connaissant un minimum les lieux, qui mènera la danse.
Les trois hommes se séparent sur le coup de 11h. Charles ne tarde pas à s’endormir dans son fauteuil. Afin que Liam, dans ses vêtements miteux, ne se fasse pas arrêter par un bobby de patrouille à Belgravia, Floyd prend le jeune Verbena en croupe et le dépose à Kensington Gardens où Liam passe une bonne vingtaine de minutes à rechercher un certain pigeon bien particulier, qu’il utilise pour contacter son Mentor. Alwyn ne répond jamais à ses messages, mais d’une façon ou d’une autre, il semble les recevoir, puisqu’il finit toujours par réapparaître lorsque Liam a vraiment besoin de lui. Dans son message, Liam résume les événements de la nuit précédente, ses rêves et le fait que quelqu’un ou quelque chose essaie d’éliminer le Sceau de la Tour de Londres. Ceci fait, il part en quête d’une demeure dont il pourrait utiliser le grenier pour dormir, avant de repartir dans la soirée pour Aldgate où il emploie les services d’un prêteur sur gages qui accepte de lui échanger ses cinq billets de 100£ contre de la “menue monnaie”, bien plus discrète à utiliser. Quant à Floyd, il s’en retourne chez lui, désireux de prendre un bon bain et de dormir.
Illustrations
Au manoir Alexander, l’Euthanatos est accueilli par Sonia qui lui sert du thé. La domestique lui révèle que plus tôt dans la matinée, Genevra lui a demandé si elle avait de quoi dessiner. Si Sonia a pu lui fournir du papier et de l’encre, elle aimerait que son maître l’autorise à aller acheter quelques fournitures plus conséquentes, ce qu’il accepte. Lorsqu’il va voir la jeune fille dans sa chambre, Floyd la trouve effondrée au sol, recroquevillée sur elle-même et endormie, au milieu d’un amas de feuilles sur lesquelles elle a représentée, entière ou par éléments plus précis, une seule et même scène. Une grande femme en robe médiévale noire à laçage blanc, le visage dissimulé par un masque en forme de papillon orné de joyaux et de longues plumes de paon, y brandit un index impérieux en direction d’une jeune fille vêtue d’une robe blanche, l’air implorant désespéré, et tenant entre ses mains un long poignard. Détail étrange: Genevra a pris soin de représenter également le grain de beauté à gauche de la bouche de la femme en noir.
Etonné (car le sédatif qu’il lui avait donné aurait dû faire effet plus longtemps…), Floyd parvient à réveiller l’adolescente, qui ne se souvient absolument pas avoir dessiné tout cela, et surtout aussi rapidement. Il la ramène à son lit, et lui demande de lui parler de ses rêves. Elle ne s’en rappelle que très peu, sinon qu’il s’y trouvait un grand jardin, et deux amis, dont l’un très gentil, avec de très beaux yeux. Afin de la rassurer, Floyd lui dit qu’il va continuer de chercher ce qu’elle a, qu’elle devrait dormir plus entre temps. Genevra comprend bien qu’elle ne peut pas encore rentrer chez elle, mais ne proteste pas, et laisse ensuite Floyd emmener avec lui ses dessins lorsqu’il quitte la pièce.
Lorsqu’il revient à la cuisine, Sonia lui fait part également de son inquiétude pour le petit James, qui n’a pas parlé une seule fois depuis son arrivée dans la demeure. Il est vrai que préoccupé par l’état de sa soeur, Floyd n’avait pas prêté autant d’attention au petit garçon. Une fois encore, ce dernier se trouve dans la bibliothèque, à toujours lire le même livre d’images, et ne réagit pas vraiment aux paroles de Floyd. Après l’avoir observé quelques minutes au crible de ses perceptions magyques, le médecin se rend à l’évidence: si son Motif vital est intact, l’esprit de l’enfant est en train de s’étioler petit à petit. Se sentant soudain très accablé par tout ceci – Genevra, James, Bedlam, la Tour de Londres, Stockwell… – Floyd s’en va prendre son bain, puis va s’allonger dans sa pièce de travail, où il s’endort sur un ouvrage au sujet du mesmérisme.
Charles s’en charge
Charles se voit tout d’abord réveiller vers une heure de l’après-midi par Andrew, de retour de son “entrevue” avec Murphy. Laconique, le cocher résume ce qu’il a pu apprendre de l’inspecteur. Fait curieux, les six cambrioleurs mentionnés par le Times portaient tous des uniformes rouge sombre, de coupe visiblement militaire, et étaient armés de fusils et d’épées; plus curieux encore, l’un d’eux était un jeune garçon, et un autre une… femme! Personne ne sait encore par où ils ont pénétré dans l’enceinte de la Tour; toujours est-il qu’ils ont tous été abattus, à l’exception de la femme et du garçon, faits prisonniers.
Ensuite, le soir même, comme il l’avait promis, Charles se rend à la Royal Challenge Society. Il y trouve McDonnell, dont la réputation n’est plus à confirmer depuis qu’il a fait Cork-Glasgow avec pour lest un tonneau de bière qu’il est de plus parvenu à vider en vol avant l’arrivée. Charles lui demande s’il serait capable de voler de nuit, en cette saison, au-dessus de Londres, vers une destination bien précise, avec trois passagers… et insiste bien sur le fait que cela fait bien un an, voire plus, que McDonnell n’a plus relevé de défi. Piqué au vif, l’aérostatier se laisse un peu malgré lui entraîner, et se retrouve à consigner ce nouveau défi dans le Livre. Ceci a attiré l’attention de tout le club; l’atmosphère s’échauffe, et des paris sont lancés quant à savoir si McDonnell signera ce défi ou se rétractera au dernier moment. Sous le poids de tant de regards, l’aérostatier finit effectivement par signer; avec sa fougue coutumière, Charles annonce le lieu d’arrivée, Bedlam, et propose de plus que les membres du club viennent attendre là-bas afin de constater la réussite du défi. C’est là qu’une nouvelle idée éclate dans son esprit: faire de cet événement un double défi, puisque Floyd relève également le sien… et pourquoi pas d’ailleurs un triple défi, le premier de toute l’histoire du club, en envoyant un autre membre de la RCS faire ouvrir les grilles de l’asile afin de pouvoir organiser dans son parc une garden-party improvisée? Avec une verve exceptionnelle, Amberville parvient à convaincre l’un de ses compatriotes de relever un tel défi, qui se trouve lui aussi ajouté au Livre. Etant donné le succès de sa diatribe, et le fait qu’il a autorisé lesdits membres à amener des invités, c’est sans doute plus d’une centaine de personnes qui risquent de se retrouver sur les pelouses du Bethlem Hospital le lendemain soir.
Sur le coup de onze heures, tout ceci réglé, Charles se précipite chez Fortnum & Mason’s et y réveille toute la maisonnée afin de s’assurer de leurs services de traiteurs pour le lendemain soir. Lui-même et le club étant capables d’y mettre le prix, ce sont des employés et un directeur affolés mais également alléchés par la perspective d’une telle commande qui se mettent immédiatement au travail. Le jeune homme se charge ensuite de faire engager un orchestre, puis de se rendre chez Mask & Read afin de passer là aussi commande de quelques centaines de masques qui devront être livrés le lendemain soir, afin d’ajouter à la confusion provoquée par la diversion. Bien entendu, Floyd et Liam ignorent encore tout de cela… Mais cela ne durera pas, car en rentrant chez lui, Charles donne à Andrew l’ordre de passer au manoir Alexander le lendemain à 8h précises et de ramener les deux autres mages à Amberville Hall. Enfin, ordre est donné au majordome Edward de faire venir le tailleur pour 11h30. Et sur ces préparatifs dont Charles est particulièrement fier, la soirée s’achève.