Convocation

Une curieuse lettre

Le lendemain matin, dans le grenier où il a trouvé refuge pour la nuit, Liam se réveille. Mû par un réflexe bien habituel chez quelqu’un qui mène une vie comme la sienne, il tâte ses poches afin de vérifier que l’argent échangé la veille s’y trouve encore, et remarque alors la présence, à l’intérieur de son manteau, d’une lettre qui ne s’y trouvait pas la veille… Cachetée de cire rouge, elle porte un sceau représentant une balance en équilibre sur une épée, symbole repris en filigrane dans le papier crème; signée de la plume d’un certain Ciaran Storn, avocat au barreau chez Forsythe, Kimbley & Storn, elle le convie à une audience préliminaire à 14h concernant les problèmes survenus à la Tour de Londres. A sa lecture, Liam sent une inquiétude certaine poindre en lui, et décide de se rendre immédiatement chez Floyd, quitte à être en avance au rendez-vous.

Là-bas, Sonia, partagée entre la méfiance et la pitié pour cet individu aux vêtements peu ragoûtants, accepte de le laisser entrer lorsqu’il décline le motif de sa visite; au manoir Alexander, on a l’habitude des visiteurs étranges. Elle le fait patienter au petit salon, où lui et Crumpet se jettent littéralement sur la brioche servie avec le thé, et envoie Wilfried réveiller Floyd, toujours endormi sur son ouvrage depuis la veille. Le jeune médecin s’habille en hâte… et remarque alors, soigneusement posée sur son bureau, la même lettre qu’a reçu Liam. Ses serviteurs ne se souviennent pas d’avoir vu un tel courrier amené la veille, et il est à son tour empli d’appréhension, d’autant plus que ce rendez-vous-là risque de compromettre le plan d’action concernant Bedlam. Lorsqu’il rejoint Liam, ce dernier ne tarde pas à mentionner sa propre convocation, et tous deux conviennent d’informer très vite Charles de ce contretemps. Ils n’ont pas à attendre longtemps: à 8h, Andrew sonne à la porte, et c’est en hâte qu’ils rassemblent les affaires dont ils auront besoin à Amberville Hall pour préparer leur potion. Laissée seule à la cuisine avec un Andrew qui s’emploie à vérifier l’état de l’arme à feu dissimulée sous son manteau, Sonia ne s’empresse que trop d’aller aider son maître. En partant, Andrew et Liam remarquent tous deux que quelqu’un les observe, depuis une fenêtre du premier étage, mais ils ne parviennent pas à discerner de qui il s’agit.

Préparatifs

A Amberville Hall, Charles, bien entendu, a complètement oublié son ordre donné la veille et n’est même pas encore réveillé. En descendant accueillir ses amis, il avise lui aussi la lettre, soigneusement posée sur un guéridon, mais ne s’en soucie pas plus que cela et demande à son majordome de l’envoyer à ses propres avocats. Puis il expose son plan, sans prêter attention au fait que les visages de ses compagnons se décomposent au fur et à mesure devant tant d’audace, ni à leurs tentatives de lui parler de la lettre. Il leur explique que repartir de Bedlam se fera avec les autres invités, encadrés par la police si nécessaire, avec tout l’art de se faire arrêter paisiblement puis de payer pour ne pas passer la nuit en prison. Au bout d’un moment, Floyd et Liam parviennent enfin à convaincre Charles que ne pas se présenter au rendez-vous serait une erreur (à vrai dire, ce qui le convainc surtout est la mention malheureuse faite par Floyd que certains Hermétistes pourraient commander aux vents et empêcher le décollage: dans son esprit germe déjà l’idée de leur demander leur concours pour faire voler le ballon…), et de ne pas transmettre la lettre à qui que ce soit d’autre.

Floyd et Liam “empruntent” ensuite une pièce attenante à la cuisine afin de préparer leur potion somnifère, le “Sombre Sommeil du Dragon de la Mort”, qu’ils verseront dans des bouteilles d’eau de Seltz afin de pouvoir la pulvériser. Le reste de la maisonnée prend bien garde à ne pas trop s’approcher de ladite pièce, étant donné les odeurs curieuses qui s’en échappent (ah, la fiente de phénix…), et nos deux amis peuvent procéder en toute quiétude. Ils sont interrompus à 11h30 par le tailleur venu prendre leurs mesures, et ce n’est qu’au dernier moment qu’ils peuvent retourner à leurs fourneaux, pour constater qu’ils ont pris un peu de retard et qu’une partie de la potion sera inutilisable; au final, ils ne peuvent remplir que deux bouteilles sur les trois. Le tailleur et ses assistants, eux, sont déjà repartis, car ils ont pour ordre de réaliser les costumes pour 15h, costumes qu’Andrew viendra ensuite directement amener à 16h au cabinet. Entre temps, un message de McDonnell est arrivé: au vu de la direction du vent, l’aérostat décollera vraisemblablement de Regent’s Park.

Lincoln’s Inn Fields

Après une collation de midi, les trois mages montent dans le fiacre renforcé d’Andrew et se rendent à Lincoln’s Inn Fields pour leur rendez-vous, découvrant une grande bâtisse de style néo-classique au frontispice en triangle et à l’aspect des plus cossus. Comme ils sont un peu en avance, un serviteur poli mais distant les fait patienter dans une salle d’attente au premier étage. De là, ils perçoivent soudain des éclats de voix, voix que Floyd reconnaît pour être celle de Ryan Swift qui quitte l’un des bureaux en claquant la porte, visiblement fort fâché des manières de celui qui est de fait le mari de sa soeur. Quelques minutes plus tard, le serviteur vient à nouveau prier les nouveaux arrivants de le suivre dans un bureau situé à tout juste quelques mètres de là; mais Charles, dans sa hâte à le précéder pour entrer en premier, trouve le moyen de se cogner dans la porte et, tombant à la renverse, décide sur-le-champ de feindre l’inconscience afin d’échapper à l’interrogatoire. Sans se troubler— ce n’est sans doute pas la première fois qu’on lui fait le coup — le serviteur fait entrer les deux mages restants, puis se charge d’emmener Charles dans une pièce voisine pour le faire examiner.

A l’intérieur, Liam et Floyd sont reçus par deux hommes. Le premier, Branwell Forsythe, se tient debout derrière le bureau, la main posée sur le dossier de la chaise. Le second, assis au bureau, est Ciaran Storn, qui fixe les PJs d’une regard de glace; ces derniers ne peuvent s’empêcher de tressaillir à sa vue, car il a véritablement très mauvaise mine, comme s’il était rongé par quelque maladie chronique. Sans plus attendre, et faisant preuve d’une totale absence de sens de l’humour, comme peuvent le constater les PJs lorsqu’ils essayent de détendre l’atmosphère, Storn procède à l’interrogatoire concernant les événements de la veille, posant aux deux mages convoqués toute une série de questions quant à ce qu’ils faisaient là-bas, ce qu’ils y ont vu, le pourquoi de leur rencontre… car de toute évidence, l’Ordre d’Hermès considère comme de notoriété publique qu’on ne pratique pas son art magyque dans un rayon d’un demi-mile autour de la Tour. Storn connait aussi de réputation la cabale de Liam, bien qu’il ne semble pas la tenir en très haute estime.

Tout en s’efforçant de répondre, Floyd et Liam remarquent bien qu’il n’est pas au mieux de sa forme, et que par moments il lui arrive de tousser du sang. Mais Storn ne daigne pas accepter leurs inquiétudes à ce sujet, pas plus que la main que Forsythe lui pose sur l’épaule à un moment (visiblement, si son associé est présent, c’est sans doute plus pour lui que par véritable nécessité quant à la déposition…). Discrètement, Floyd essaye de jeter un coup d’oeil à son Motif vital et, contre toute attente, sa simple perception lui est renvoyée par ce qui semble être un bouclier magyque, provoquant chez Storn une convulsion et chez Forsythe un accès de reproche fort justifié. Le jeune médecin a toutefois eu le temps de percevoir de graves perturbations des flux vitaux, mais ne peut en savoir plus, ne désirant pas s’aliéner les deux Hermétistes en insistant.

Le retour de Charles

Pendant ce temps, Charles a été amené dans un petit salon de l’étage et allongé sur le canapé. Lorsqu’il ouvre l’oeil, se croyant seul, il s’aperçoit qu’une autre personne est présente dans la pièce: une jeune femme brune en robe et chignon stricts, mais au charmant sourire. Elle pose l’ouvrage qu’elle lisait, se lève et vient vers lui, tirant du sac-bourse à son poignet un pendule qu’elle commence à tenir devant les yeux du mage. Elle se nomme Ariadne Forsythe, membre de l’Euthanatos, et les élucubrations de Charles ne semblent pas avoir de prise sur elle alors qu’elle l’examine patiemment. Bientôt, Charles sent son coeur s’affoler quelque peu: on dirait bien qu’Ariadne lui plaît, peut-être d’autant plus qu’elle ne se laisse pas impressionner et… qu’elle est de toute évidence la jeune épouse de Branwell Forsythe. Ariadne a tôt fait de déterminer que l’Orphelin simulait l’inconscience et, sonnant le serviteur, pousse Charles gentiment mais fermement à gagner le bureau des deux avocats.

C’est donc escorté du serviteur que Charles est mené en présence de ses compagnons, et doit lui aussi subir les questions de Forsythe et Storn. Ce dernier fait remarquer au bout d’un moment (tout comme Liam avant lui) que Floyd et Charles se ressemblent… Au vu des réponses de Charles, Floyd finit par intervenir et dire que le jeune homme est “innocent”, c’est-à-dire qu’il n’a su que récemment qu’il était mage; de façon fort imprudente, l’Euthanatos annonce alors qu’il en prend la responsabilité… Bien évidemment, à présent, l’Ordre d’Hermès gardera un oeil sur Charles, et la moindre erreur risquera d’être imputée à Floyd.

De fil en aiguille, les questions du Quaesitor commencent bientôt à toucher aux jours précédant les incidents susmentionnés. Floyd tente de louvoyer comme il le peut afin de ne surtout pas en arriver à révéler ce qui s’est vraiment passé lors de l’affaire Woodrow/Morrow. Il en vient tout de même à parler de Genevra, assurant qu’elle est Eveillée mais pas folle, contrairement à ce qu’il craignait, et qu’il compte la prendre comme apprentie et la former: encore une autre responsabilité placée soudain sur ses épaules… Il déclare néanmoins ne pas savoir ce qui est arrivé à ses parents, après qu’il a poursuivi sa mère soi-disant sur ordre d’un membre de son ordre et a ensuite perdu sa trace.