Réveils
Un autre rêve
Plus d’une journée passe, durant laquelle Charles rêve du Roi des Haggis lui demandant de sauver sa fille, la jolie princesse Ada ; Liam, à nouveau menotté à son lit, a dû être drogué à force de crises de panique ; et Floyd/Eric, lui, après son overdose de morphine, ronfle du sommeil du juste. Au milieu de tout ceci, seuls quelques bribes de réalité leur parviennent : les voix d’Ada Wellesley et Leslie Wade, celle d’une infirmière donnant l’ordre d’effectuer une prise de sang, ou encore le docteur Williams pestant dans sa barbe: « Ils ne le laisseront jamais partir. »
Liam pendant tout ce temps est égaré dans un rêve comme il en fait tant ces derniers jours, un rêve dominé par la présence de l’étrange femme qu’il avait surpris Charles en train de peindre dans les Coursives. Debout au centre d’un cercle formé d’épées dressées qui flottent dans l’air, elle se tient là, à rire éperdument, et lorsque le jeune homme plonge ses yeux dans les siens, il constate avec un frisson que le blanc en est entièrement noir, et les prunelles bleu acier. Au moment où il l’interpelle, toutes les épées viennent se ficher en terre ; toutefois, il demeure à l’extérieur du cercle, peu désireux d’obéir à l’injonction de la reine qui lui fait signe de la rejoindre. Peut-être est-ce bien elle, la matriarche des Clarick, qui serait passée du côté des Néphandis… Bien que brève, leur discussion et son contenu le font frissonner, et il se réveille, paniqué, sur ces dernières paroles de la terrifiante femme : « Dis-lui qu’il y viendra, lui aussi, tôt ou tard… »
Retrouvailles… ou pas?
Le HMS Edinburgh est enfin parvenu à rejoindre Oxford — en piteux état, certes, et après un voyage bien plus lent qu’il n’aurait dû l’être, mais qu’à cela ne tienne : des équipes d’infirmières et de médecins de la Croix Bleue, prévenue par radio, ont immédiatement été envoyées pour seconder les médecins de bord qui ont fort à faire et ravitailler le vaisseau en médicaments et réserves de sang. A la tête d’une de ces équipes se trouve Mary Sarah Lovelace, infirmière en chef, qui se désole de constater les dégâts survenus lors de la dernière patrouille : un certain nombre de blessés graves, dont un grand brûlé qu’on a dû rapatrier au plus vite à l’hôpital d’Oxford, divers degrés de foulures, fractures et coupures en tous genre, et surtout un manque flagrant de sang à transfuser aux Elus notamment, qui entre le Glasgow, Coventry et Worcester n’ont pas eu beaucoup d’occasions de se remettre ; le capitaine notamment a même dû en recevoir deux.
Au cours de son service, elle a l’occasion de discuter avec Home notamment, qui lui signale brièvement l’addiction de Charles à la morphine, et peste contre tous ces énergumènes recrutés à bord… mais peut-on se permettre de faire la fine bouche ? Ce sont des Elus, après tout. D’ailleurs, l’un desdits énergumènes a même essayé de faire une mutinerie à lui tout seul, en dix ans sur ce vaisseau, c’est bien la première fois qu’il voyait cela; ce fou, Wilson, est toujours en train de ronfler, filet de bave aux lèvres et pansement sur le cou. Quand à son comparse menotté au lit, elle ne voit pas son visage, enfoui comme il l’est dans ses couvertures.
Lors de l’une de ses rares pauses, Mary Sarah est surprise par un hurlement de terreur, provenant justement de cet homme (et qui d’ailleurs réveille aussi Charles, de mauvais poil car maintenant il ne saura jamais si le roi des Haggis lui donnait justement sa fille en mariage…). Accourant à son chevet, elle parvient à le calmer, et alors qu’il se redresse, empruntant à l’infirmière son épingle à cheveux pour se défaire de ses menottes, elle voit enfin son visage… et le reconnaît : William Nolan, son ami d’enfance, dont elle était secrètement tombée amoureuse, William qui était porté disparu depuis l’attaque ayant détruit Liverpool, six mois auparavant !
Bouleversée, Mary Sarah lui saute au cou, ce qui ne fait qu’ajouter à la confusion de Liam. Après quelques paroles échangées, celui-ci comprend néanmoins rapidement la nature du quiproquo : sans doute a-t-il lui aussi un équivalent en ce monde, et la jeune femme le prend pour ce Liam-là. Indécis quant à l’attitude à adopter, il décide de jouer les amnésiques, prétextant ne pas se souvenir de tout ce qui date d’avant Coventry. Pour le moment, ceci semble satisfaire l’infirmière, trop heureuse d’avoir retrouvé son ami vivant, alors que tout le monde le disait mort.
Réunion
Quelques autres explications ont lieu, concernant notamment ce qui s’est passé au cours des dernières quarante-huit heures. Mary Sarah est fort surprise d’entendre Liam appeler Charles « Amberville » : apparemment, sa famille ici est célèbre… tristement célèbre. Charles ne se déride (et ne cesse de râler bruyamment : on est dans une infirmerie, que diantre !) que lorsque Liam lui révèle qu’il a entendu, entre deux phases de sommeil, la voix d’Ada Wellesley, sans doute venue les voir ? Mary Sarah parvient à le faire rester allongé, au lieu de déambuler partout ; puis elle s’étonne de voir un gros corbeau (Crumpet) venir se poser sur l’épaule de Liam pour lui épouiller les cheveux. C’est qu’il n’y a plus beaucoup d’animaux familiers, dans ce monde…
Pendant que les autres PJs restent à se reposer sur leurs lits, l’infirmière les examine tout de même, constatant d’ailleurs la blessure de Floyd/Eric, très précise : soit il est suicidaire, soit il savait très bien ce qu’il faisait. Elle décide d’aller chercher quelques stimulants, et aussi des calmants pour Charles. Au passage, elle constate aussi, aux bruits de voix provenant de l’une des chambres, que le capitaine Clarick est enfin réveillé, et que le docteur Williams est en train de l’examiner. Conformément à son habitude, Clarick a bien l’intention de reprendre les commandes de suite (« 36h depuis que Morton a pris le relais ? Mon équipage va devenir fou ! »), et les deux finissent par renoncer à le raisonner, le laissant se lever pour aller voir déjà qui est encore à l’infirmerie… et ne parvenant pas non plus à l’empêcher de se servir dans les tablettes de stimulants au passage. Le confronter, murmure Williams à Mary Sarah, serait encore pire, pour leur santé comme pour la sienne.
Non sans sarcasme, Clarick demande aux 3 autres PJs ce qu’ils foutent encore là à tirer au flanc : « Connaissant Morton, après ce que Wilson a fait, vous devriez être en train de nettoyer le système d’armement… à la brosse à dents. Je serais bien tenté de vous y envoyer maintenant, mais le dernier gars que j’ai balancé là-bas, on n’a même jamais revu son fantôme, alors ça m’embêterait un peu. » Mary Sarah est un peu étonnée de voir la réaction de panique de Liam à la simple mention de l’Impulseur ; ça ne lui ressemble pas de s’agiter ainsi. Au final, Clarick, qui de toute évidence n’a pas non plus foncièrement envie de s’énerver, se contente de coller Liam et Eric de corvée de chiottes ; Liam aura droit à un vrai balai, lui. Les PJs le voient également s’enfiler une bonne part de tablettes de stimulants, et en donner un peu à Charles, histoire que celui-ci se remette debout au plus vite.
Mary Sarah et Liam, eux, aident Floyd/Eric à sortir doucement de son demi-sommeil. Aux réactions de leur compagnon, Liam comprend vite que c’est Floyd qui est de nouveau aux commandes, bien qu’un Floyd qui n’hésite pas pour une fois à livrer un petit duel d’insultes légères avec Clarick (décidément, il n’arrive pas à oublier à quel point il ressemble à l’autre Aidan).
Tandis que Liam essaye de calmer son ami, Mary Sarah, quittant brièvement la pièce pour aller demander qu’on fasse apporter à manger pour 6 personnes, croise Williams avec à la main une seringue emplie d’un liquide sombre, l’air réprobateur. La scène qu’elle trouve à son retour est un peu tendue : Floyd encore dans le gaz est à deux doigts de tout lâcher concernant l’existence de leur monde, Liam qui vient de l’appeler « Alexander » trouble un peu Clarick, et le capitaine en question vient visiblement d’avoir quelques mots avec Williams, au sujet de la fameuse seringue. Alors qu’il se fait lui-même l’injection, l’infirmière réalise de quoi il s’agit : un sérum néotonique, qu’elle a déjà vu utiliser quelquefois. « Ordre de la Couronne, Miss. Il faut bien maintenir les croulants comme moi en vie », raille Clarick, pas très heureux lui non plus de devoir utiliser cela.
Secrets de famille?
Un commis arrive bientôt avec quelques boîtes de « viande » ignoble, de la bouille blanche et des biscuits : ce qui reste de nourriture à bord du vaisseau. Liam craque un peu nerveusement et joue avec sa nourriture l’espace de quelques minutes – Floyd aussi, qui se lamente pour du « poulet basquaise ». Clarick, pas idiot pour deux sous, demande tout de même quelques explications concernant cette attitude très peu wilsonienne, et Liam finit par lui révéler que Eric a pris possession du corps de Floyd pour revenir dans son monde. Cela est fort troublant, car il s’agit d’un corps vivant, dont l’esprit d’origine, qui plus est Eveillé, est toujours là : une aberration et un anathème, pour un Réanimateur ! Charles, lui, décide de s’éloigner un peu ; mais lorsqu’il essaye de quitter la chambre, il se retrouve dedans à nouveau. Vivent les contrecoups de Paradoxe…
Liam décide aussi de parler à Clarick de son rêve : sa grand-mère (il croit pour le moment que la femme qu’il a rencontrée, c’est elle) hanterait-elle les songes ? Pas à sa connaissance, surtout l’état de délabrement desdits rêves chez eux. Lorsqu’il décrit plus précisément la femme aux épées, Clarick devient encore plus pâle qu’il ne l’est déjà, et lui ordonne d’oublier tout cela. Floyd est victime d’une résurgence de Wilson, qui en profite pour accuser le capitaine : « Wolfram avait raison, votre famille n’est qu’une bande d’hypocrites, et c’est de votre faute, sans doute, si notre monde est en perdition ! » Liam parvient à le calmer et à le faire se rendormir. Juste avant de quitter la pièce, très certainement pour aller se calmer ailleurs, Clarick ajoute quand même ces simples mots : « Ceci dit, il avait raison… Peut-être est-ce bien nous qui avons détruit le monde. »
Quant à Mary Sarah, la pauvre ne comprend pas trop dans quoi elle vient de mettre les pieds…